Il y a dans ce film une incroyable énergie à filmer le vieillissement qui donne le vertige. Doublé d’une idée de mise en scène sans concession de la prise de conscience de l’usure du temps, la réflexion de Duvivier se double d’un regard cynique sur l’illusion de cette vision tronquée qu’ont eu toute leur vie, ces comédiens sur leur propre existence. Comme si la vie était une interprétation infinie.
Trois personnages ressortent aisément de par leur incontournable manière de s’imposer dans le champ, chacun à leur manière, et avec des prises de conscience totalement différentes dans l’approche de leur délitement.
Un Michel Simon émouvant dans ce rôle de vieux comédien raté qui continue à entretenir l’illusion de ses propres échecs, allant jusqu’à s’accaparer des enfants qu’il n’a pas eu. Au moment où par un acte induit par le peu de force qu’il lui reste, il arrive sur scène pour ne pas parvenir à dire son texte, il imprime une sorte de détresse absolument remarquable.
Louis Jouvet en cavaleur invétéré qui arrive dans la scène en défonçant des portes ouvertes et vit en permanence sur cette impression. En séducteur flétri aux allures de dandy, il s’imagine toujours faire chavirer les cœurs, allant jusqu’à courtiser une jeune femme naïve.
Puis un Victor Francen cynique et très conscient de son état, en double négatif de Jouvet.
Le monde du spectacle filmé par Duvivier, ça ne pouvait donner que ça. Un regard à la fois affectif et très conscient, donc implacable et n’hésitant pas à l’égratigner.