"La Flèche brisée", western réalisé en 1950 par Delmer Daves, est inspiré d'une histoire vraie. Le scénario est tiré d'un roman racontant les nombreuses aventures d'un éclaireur Tom Jeffords, en particulier son amitié avec le chef Apache Cochise et sa contribution à la paix entre Apaches et Blancs.
Au début du film, Tom Jeffords, chercheur d'or en Arizona, rencontre par hasard un jeune Apache blessé et démuni et le soigne. Une fois la relation de confiance établie, il surprend le jeune indien dire "Ma mère doit me pleurer". Et Tom Jeffords réalise "qu'il n'avait jamais imaginé qu'une femme Apache puisse pleurer son fils" et avait jusqu'alors toujours pensé "qu'un Apache n'était qu'une bête sauvage".
Dès lors, le ton est donné dans le film pour la reconnaissance d'une communauté humaine, différente des communautés des pionniers, avec leurs valeurs et leurs traditions équivalentes.
Delmer Daves connaissait bien les Apaches chez qui il avait vécu dans son jeune temps quelques mois et avait à cœur de faire partager son respect pour ce peuple. Et dans "la flèche brisée", il s'est efforcé de montrer directement le point de vue des indiens et non le point de vue des blancs sur les indiens.
Il est un peu abusif de dire que ce western est le premier western pro-indien car plusieurs cinéastes dont Ford ou même Griffith avaient déjà sérieusement amorcé la tendance ; disons que Delmer Daves va consacrer dans son film une part plus importante à détailler le mode de vie et les traditions des indiens.
Il n'y a aucun manichéisme dans le film qui va exprimer le fait qu'il y a des gens biens et des salauds dans chacune des communautés.
Le choix de Delmer Daves de faire parler anglais à tous les personnages avec le même niveau de précision est délibéré car en 1950, il fallait que le film soit parfaitement accessible à tous. A ce sujet ,Bertrand Tavernier parle de "licence poétique" et argue qu'après tout, "Roméo et Juliette ne parlent pas italien chez Shakespeare ou bien encore que Hamlet n'est pas toujours danois."
Coté interprétation, James Stewart joue le personnage de Tom Jeffords. C'est une période clé dans la carrière de Stewart qui laisse les comédies (en particulier avec Franck Capra) pour des films plus dramatiques avec Delmer Daves mais aussi avec Anthony Mann et Hitchcock. Son jeu mesuré avec ses colères spontanées, contre l'injustice par exemple, sont sa marque de fabrique.
Jeff Chandler tient le rôle de Cochise. Ce rôle, il le tiendra à nouveau dans plusieurs westerns dont en particulier "Taza, fils de Cochise". Dans le film il incarne une force morale avec beaucoup d'efficacité et de conviction.
Quant à Debra Paget, la beauté brune d'Hollywood, elle joue ici le rôle de la jeune indienne Sonseeahray dont Tom Jeffords sera amoureux et avec qui elle se mariera. D'abord, il faut dire que Delmer Daves accorde très souvent dans ses films une place prépondérante aux personnages féminins. Au delà de l'idée essentielle de tolérance entre les peuples, cela permet à Delmer Daves de développer un autre aspect des coutumes et rites indiens.
Les scènes au bord de la rivière avec le jeu du miroir sont très délicatement jouées et carrément sublimes.
Au final, "la flèche brisée" est un western majeur dans la filmographie de Delmer Daves qui a voulu faire de la pédagogie sur la nécessité de reconnaître la place de la nation indienne dans la société américaine. C'est aussi une magnifique histoire d'amour entre un blanc et une indienne.