Premièrement, j’affirme aujourd’hui et dans le futur que ce que vous allez lire ne représente que ma pensée et non un avis pleinement objectif, universel à propos de ce film. Si le cinéma est un art, alors il est affaire de sensation et par extension, de subjectivité. Ce qui amène mon deuxième point : ce qui va suivre dans le pavé illisible qui va suivre n’est que le fruit de mon interprétation, que je partage avec vous dans son imperfection la plus grande.
Troisièmement, je ne suis malheureusement pas familier avec la totalité de la filmographie et de la biographie du réalisateur, Guillermo Del Toro. Cependant, et vous le comprendrez au long de mon écrit, je ne pense pas que ces connaissances me soient nécessaires à la lecture que je fais du film.
Guillermo Del Toro nait en 1964, deux ans après l’histoire qu’il raconte dans son film. The Shape of Water raconte l’histoire d’une femme de ménage dans une base de recherche américaine dont la vie change lorsqu’un spécimen de recherche particulier fait son entrée dans le complexe. C’est un retour aux sources pour le réalisateur après des films comme Pacific Rim ou Crimson Peak. Le film de monstre façon Del Toro, dans un environnement plutôt Steam-punk (la base sous terraine, la cuve dans laquelle le monstre est gardé qui rappellent la base de Hellboy). Le réalisateur propose en au premier plan une histoire d’amour entre une femme handicapée et un monstre marin, tous deux marginaux par nature à cette époque. L’intelligence de Guillermo Del Toro, c’est sa personnalité, son univers. Sa réalisation n’est certes pas à mettre de côté. Pendant toute la séquence de présentation du personnage principal notamment, les mouvements de caméra très fluide et la répétition des gestes crée facilement la routine du personnage, assumée jusqu’au plus intime des rituels.
Mais ce n’est pas à ce premier plan que je désire m’arrêter. Certes, il m’était compliqué d’aller plus profondément dans l’image ayant oublié malencontreusement mes lunettes. Mais je pense qu’au-delà du bon objet filmique, classique mais néanmoins réussi (ce qui est déjà louable en soi aux vues des nombreux réalisateurs qui aujourd’hui se contentent du minimum) et surtout supportée par l’univers du réalisateur, celui-ci dresse un constat du temps présent. Chaque réalisateur tente dans ses créations, plus facilement (à mes yeux) quand la création est originale, de créer des personnages à son image. Très flagrant ici, le personnage interprété par Richard Jenkins, vieux dessinateur solitaire, très talentueux mais considéré comme dépassé par les nouvelles photographies, et qui tente un dernier coup pour réintégrer le « business ».
**Texte en gras**Ce personnage, c’est Del Toro qui disait dans une interview récente que : « La Forme de l’eau est une sorte de consécration pour moi […] ». Une idée plus séduisante encore que cette identification de personnage, c’est celle au personnage d’Elisa. Son mutisme est le symbole de l’incapacité du réalisateur à énoncer ses pensées dans un monde où son univers, représenté dans mon étude par le monstre de l’eau, est enfermé et torturé. Quand on connaît les difficultés de l’homme à accomplir ses projets, son retrait du projet d’adaptation du Hobbit que Peter Jackson lui a proposé, le troisième volet annulé, finalement rebooté par le studio propriétaire des droits de Hellboy, son éviction de la suite de son Pacific Rim (dont le qualificatif le plus juste est « énorme » à tous les niveaux). Il me fut donc impossible de voir autre chose dans ce film qu’une histoire d’amour entre Guillermo Del Toro (le personnage d’Elisa) et son univers (le personnage du monstre) traqué pour être tués par le nouveau monde et le personnage de Michael Shannon, le tortionnaire à la famille parfaite des publicités des années 60 (à noter le parallèle évident entre l’affiche dessinée par Jenkins et la famille de Shannon, ce gâteau en gelée verte, la Cadillac de « tous les hommes de demain », etc…).
L’art, c’est l’amour, c’est la haine, c’est la passion, c’est le désespoir, c’est les sentiments que ressentent les spectateurs devant l’art. En livrant une œuvre aussi personnelle que classique, Guillermo Del Toro offre au spectateur une œuvre d’art rafraichissante, ouvrant son univers au spectateur en utilisant les codes que celui-ci connaît. Je n’ai pas vu tous les autres films de la liste des nommés et selon moi le dernier petit film de Denis Villeneuve, à mon grand désarroi difficilement rentable, aurait dû y figurer (et remporter le trophée mais c’est un autre débat, que nous aurons, oh oui nous en parlerons), mais The Shape of Water mérite absolument les louanges et les prix dont il est l’objet. Du grand art.