Guillermo der Toro signe un conte pour adultes à la fois magique et transgressif où l'amour se veut sans limites et où l'Homme abuse de son pouvoir sur les plus faibles. Bourré de références (L'étrange créature du lac noir est la plus évidente) et faisant écho à plein d'autres films par son thème (j'ai personnellement pensé à La Belle et la Bête, Jurassik Park, E.T., Sauvez Willy,...) ou par cette atmosphère à l'image si singulière (on pense aux films de Jean-Pierre Jeunet allant de La cité des enfants perdus au Fabuleux destin d'Amélie Poulain, notamment pour la relation complice entre le personnage principal et son voisin de pallier, peintre et vieillissant), on ne peut que se laisser émerveiller par cette histoire qui semble sortie d'un autre temps mais qui, en fin de compte, se révèle très actuelle. Conte posant un regard sur notre propre condition humaine (le rapport de force et d'emprise des hommes de pouvoir sur les femmes, la peur et le manque de respect vis-à-vis de l'inconnu, de la différence et de la nature, le temps qui passe sans qu'on ait accompli quelque chose qui nous épanouisse personnellement,...), La forme de l'eau contraste ces échos réalistes par le fantastique de son scénario, servi avec humour et féérie. Chaque personnage est très dessiné et caractérisé, soit par ce qu'il dit (la collègue qui compare tout ce qu'elle fait à son mari fainéant), soit par un geste (le méchant qui a toujours un bonbon sous la dent ou le voisin qui collectionne les parts de tarte au citron vert), si bien qu'on intensifie le rapport à la fable humaniste où les personnages sont très distincts et identifiables. Avec sa nouvelle créature sous-marine, Guillermo Del Toro nous enchante, malgré ce postulat naïf, avec la beauté de cette histoire qui vient puiser dans notre imaginaire collectif pour chercher l'humanité jusque chez les monstres les plus improbables ! La précision de sa mise en scène nous emballe dès les premières images, servi par un casting appliqué au service de ce message de tolérance et de bienveillance. L'accompagnement musical tient une importance majeure, entre rêve et nostalgie, entre amour et hommage à un autre temps. Amour transgenre consommé sous nos yeux, La forme de l'eau ne manque pas de transgresser la règle de bienséance avec délicatesse et fantaisie. L'émotion est palpable, sous-jacente, touchante, pris dans un récit épique et intimiste aux teintes émeraude où le monstre n'est pas forcément celui qu'on croit ! Sally Hawkins est folle de justesse tout comme la totalité de ses partenaires, Richard Jenkins, Michael Shannon et Octavia Spencer. Je reviendrai simplement sur certains passages qui auraient pu être coupés, nous sortant de l'action principale ou alors trop anecdotiques et pas assez approfondis (je pense notamment aux scènes du personnage du docteur Hoffstetler...). Pour moi, il mérite son succès ainsi que ses multiples prix et nominations. Del Toro prouve qu'il a plus d'un tour dans son sac et je pense qu'il peut encore nous surprendre à l'avenir...