Guillermo Del Toro revient à nouveau sur un terrain qui lui est plus que familier : le fantastique. Dans son nouveau film, il opte pour une approche du conte de fées, et lui offre une poussée de croissance pour le délivrer aux adultes. Car c’est bien sa marque de fabrique, on a pu d’ailleurs le constater dans le Labyrinthe de Pan, ou encore Crimson Peak; le réalisateur mexicain aime jouer sur les codes de l’onirisme, tout en lui apportant une dimension tristement réaliste. The Shape of Water se déroule donc ici en pleine Guerre Froide, dans un climat tendu entre deux puissances et vers une conquête de l’espace. Mais c’est dans l’eau que réside le coeur du récit, quand une Amélie Poulain version muette rencontre une sorte de dieu amphibien arraché à ses racines sud-américaines, où il était respecté et vénéré. Un amour improbable se dessine alors, à coup d’oeufs durs et de démonstration de claquettes. Une version aquatique de la Belle et la Bête, qui souhaite nous livrer la recette d’une histoire possible entre deux êtres opposés. Partant de ce postulat, nous voyons donc découler une histoire dont nous connaissons déjà la fin. C’est ici que le film de Del Toro peine à trouver ses marques : il manque cruellement de poésie. Alors, certes, je ne peux nier les magnifiques plans (que Jeunet accuse d’être un plagiat) et une créature énigmatique, mais où est donc passé le lyrisme, le romantisme noir, le tragique ? Guillermo Del Toro est capable de livrer tellement plus de choses…
De plus, le background politique, que le réalisateur aime appliquer dans ses films, n’a ici aucune utilité. Cette gueguerre entre Russes et Américains n’apporte rien au récit, le ridiculise même parfois. Certains rôles, comme celui du scientifique partagé entre sa mission d’infiltration et sa dévotion à la science, sont complètement grotesques. Les personnages n’offrent aucune surprise, Michael Shannon et Octavia Spencer retrouvent des caractères qu’ils ont déjà surexploités dans d’autres films, Sally Hawkins et Richard Jenkins sauvent (presque) la mise, en interprétant ce couple d’amis marginalisés.
J’ai encore du mal à comprendre où le réalisateur a voulu en venir. J’ai le sentiment d’avoir assisté à un enchaînement de plans, d’interactions et d’actions, plus ou moins réussis, sans avoir abouti à aucun propos. Même le message clé du film : une histoire d’amour considérée comme impossible est-elle possible, s’effrite jusqu’à la dernière seconde du film. Del Toro s’emmêle les pinceaux, voulant à la fois nous offrir un bijou visuel, ce que le film est sans hésitation, et une morale intrinsèque à tout bon conte de fée. Peut être aurait-il dû choisir…