Raf, dessinatrice mondaine, se casse le coude en tentant de rattraper sa femme Julie dont l’amour s’échappe. Fracture douloureuse et rupture inévitable, elles sont la métonymie d’un traumatisme plus grand, celui d’une colère qui gronde. Restée longtemps souterraine, elle éclate sur les Champs Elysées, personnifiée par des gilets jaunes qui défilent et des forces de police qui ripostent. Dans ce chaos, Yann est blessé à la jambe par un tir de grenade. Ces trois personnages se retrouvent dans un hôpital saturé où des vies se croisent, s’enlacent ou se délient en cette nuit d’hiver. Ils s’y insultent, s’y méprisent, s’y narguent dans un combat de coqs qui se transforme en une entraide inattendue, forcée par la situation qui dégénère. Radiographie d’une France à l’agonie, ce film angoissant offre un crescendo de tensions où l’atmosphère pesante tient en haleine durant près d’une heure et demie. Le choc des classes électrise pour laisser transcender la détresse de ses âmes oubliées, épuisées, toutes brisées par un carcan social en crise. Féroce, tragique mais revigorant, ce drame émeut, indigne, révolte. L’observation des mondes qui s’entrechoquent déploie les préjugés de notre société pour les balayer d’un ricanement sans jugement, le tout dans une chronique tranchante, un quasi huis clos documentariste où la force des regards et des mots parvient à élever une vision humaniste de cet abîme contemporain