All work and no play makes Baxter a dull boy

Billy Wilder est un filou. Sous des dehors de comédie romantique gentillette, The Appartement est bel et bien une oeuvre plus sombre qu'il n'y parait au premier abord et qui dépasse largement le cadre de la comédie romantique.


Le film de Wilder est une critique au vitriol de la société capitaliste, mais surtout du travail, et du milieu dans lequel il oblige les gens à évoluer en particulier. C.C. Baxter, incarné magistralement par l'immense Jack Lemmon, étant prêt à tout pour obtenir sa promotion, y compris à aller jusqu'à s'avilir aux yeux de ses voisins, qui le prennent pour un playboy deluré se jouant des sentiments et des corps des femmes, acceptant même pour un temps le fait que son patron joue avec les sentiments de Miss Kubelik, qui pourtant lui plaît, jusqu'à mettre sa santé voire sa vie en péril.


Wilder démonte à travers le comportement de son protagoniste (qu'on prend pourtant de suite en sympathie) le mythe méritocratique si cher aux tenants du système économique capitaliste. En effet, ici, point de promotion due à un mérite quelconque (qui de toute façon ne supporte pas l'analyse un peu poussée), mais bien due à des petis arrangements de couloirs d'une mesquinerie et d'une hypocrisie totale.
Le royaume du mensonge, du faux semblant, des secrets d'alcôves et des petits retours d'ascenseur (et toute personne ayant travaillé dans une grosse boite, quelle qu'elle soit, ne peut que confirmer qu'on se trouve ici sur un territoire qui n'a rien de fictif).
Seuls les menteurs et les tricheurs prospèrent en ces lieux! Chacun de ses supérieurs abusant de leur employé en lui faisant miroiter la promotion tant rêvée, mais abusant également leur femme, puisque la garconnière du titre sert essentiellement à ce que ces messieurs y amènent leurs maitresses.
Évidemment Wilder en profite pour en faire un ressort comique ou s'enchaînent les quiproquos plutôt que de tomber dans une forme de pathos qui attenuerait la force de la demonstration selon moi.


Wilder, non content de faire sa fête au milieu du travail, pousse plus loin la farce: il profite du film pour parler de nombreux sujets qui ne devraient pas se trouver exposés au beau milieu d'une comedie romantique, tel que le suicide par exemple, ou la manipulation.
Il y parle à demi-mots d'homosexualité et multiplie les insinuations sexuelles, se jouant des codes de censure mis en place à l'époque avec un certain génie qui n'est pas sans rappeler la finesse d'un Lubitsch (Wilder étant allé à bonne école).


Enfin The Appartement est bien entendu une sorte de fable, le recit d'un moraliste qui nous indique ce qu'il pense que nous devrions faire vis à vis de ce système: l'abandonner à la manière de Baxter qui rend la mauvaise clé à son patron(celle des toilettes du personnel, sans doute là où se trouve sa veritable place, ultime pied de nez) pour se réapproprier les siennes et par la même occasion sa vie. Il abandonne ensuite le beau chapeau qu'il s'était payé en même temps que ses illusions et les faux semblants qui vont avec pour redevenir ce que son voisin médecin lui conseillait d'être, un mensch, un véritable être humain, libéré de la pression que ce triste milieu lui imposait.


C'est sur un bouchon de champagne qui saute ressemblant à un coup de feu et prennant son contre-pied en célébrant une vie retrouvée que se clôture le récit. Un merveilleux happy-end où le travail est fini, alors que le jeu commence, ainsi qu'une nouvelle vie prenant la forme de deux regards qui s'embrassent mieux que ne pourrait le faire le plus beau baiser de cinéma.

Samu-L
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le 7 déc. 2019

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Samu-L

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