Dans ma critique de Love actually, je faisais part de mon doute quant à pouvoir trouver une comédie romantique qui me plairait. Un membre de SensCritique m'avait recommandé The shop around the corner, que j'ai détesté, et The apartment, qui figurait déjà dans mes envies. Il me semble que c'est parce qu'un comparse me l'avait conseillé, et cette même personne m'a récemment dit vouloir savoir ce que j'en penserais, durant une conversation sur le sexisme chez Billy Wilder.
Je m'étais dit que si je n'aimais pas The apartment, ce serait le dernier film que je verrais de ce réalisateur.
Au final, après l'avoir vu, je me dis que ce n'est pas une comédie romantique, mais plutôt un drame romantique ; ce qui me sied très bien.
C.C. Baxter, plus communément surnommé "Buddy-Boy", est un simple employé de bureau dans une immense société d'assurance. Il a pour habitude de prêter son appartement à quatre de ses supérieurs, pour qu'ils y voient leurs maîtresses. Il se fait exploiter ainsi, contre des promesses de promotion, quitte à dormir dehors ou être mal vu par ses voisins, qui pensent qu'il se tape une ou plusieurs filles par jour.
Alors que Baxter est un célibataire et un "gentil garçon", comme le lui fait remarquer Fran Kudelik, la seule liftière (elevator girl) qui semble refuser les avances, ou plutôt opposer une certaine résistance aux actes de sexisme ordinaire, des employés.
Le héros s'avère par contre un peu pot-de-colle, tellement plein d'enthousiasme qu'il déblatère des histoires et infos pas forcément utiles ou intéressantes, et sa candeur excessive se manifeste même de façon presque glauque, puisqu'il sait tout de la fille, en ayant lu son dossier. Ça ne pose pas de problème à cette dernière que ce type qu'elle croise seulement dans l'ascenseur de temps à autres sache où elle habite et avec qui, mais Baxter passe quand même parfois limite pour un autiste, ignorant certains comportements sociaux d'usage ou certains ressentis humains (le type met quand même un bon moment avant de voir que Fran ne va pas bien).
Les premiers traits d'humour m'ont laissé de marbre ; j'ai trouvé dans The apartment le même problème qu'avec d'autres comédies trop datées : des gags qui devaient suffire à faire marrer à l'époque me paraissent aujourd'hui trop léger. Quand Baxter zappe à la TV car il n'y a rien puis finit par l'éteindre à l'annonce d'une pub, ou quand on le voit réorganiser le planning de son appartement, j'ai trouvé ça laborieux, surtout étant donné la longueur de ces séquences pour des idées qui ne sont pas si drôles que ça.
Je pensais que j'allais détester The apartment, et peut-être que je ne tiendrais pas les 2h sur lesquelles il s'étend.
Après tout, les premiers personnages féminins que l'on voit sont encore des bimbos blondes écervelées ou hystériques, qui se font mener en bateau par des hommes qui leur courent après.
Mais au moins ici, il ne s'agit pas de l'héroïne (contrairement à... bah, tous les Wilder avec Marylin Monroe).
Finalement, j'ai pu trouver avec le personnage de Fran le traitement soigné des sentiments que j’attendais. Pourtant, son histoire appartient à ce schéma tellement classique qu’il en est presque irritant du patron qui trompe sa femme avec sa subordonnée.
Mais l’écriture prend ici le soin de donner du relief au personnage féminin, et surtout l’interprétation de Shirley MacLaine, qui parvient si aisément à se rendre touchante, fait ressentir d’une façon nouvelle la difficulté d’une telle situation et la douleur des personnages. Malgré la banalité de la nature de leur relation, les protagonistes expriment des sentiments palpables : en dépit de l’épouse du patron qui se pose comme obstacle, le couple s’aime toujours.
Bon, sauf que lui, se fout de la gueule de la fille.
Après la légèreté du début s’installe une ambiance vraiment plombante, qui véhicule un profond sentiment de mal-être. Les deux héros, Baxter et Fran, sont coincés dans des situations de malheur sentimental dont ils ne peuvent se sortir, alors qu’il se peut qu’ils aient simplement besoin l’un de l’autre. Mais "c’est compliqué", comme on dit. Tous deux sont victimes de la fatalité de leurs sentiments, comme me l’a dit une certaine personne : lui s’éprend d’elle, et elle ne peut s’empêcher d’aimer quelqu’un à qui elle n’importe que peu.
J’adore le désespoir teinté de cynisme de Fran, qui fait preuve d’un humour noir très efficace qui lui donne un fort caractère.
"The mirror, it’s broken" – "Yes, I know. I like it that way, it makes me look the way I feel"
"You’d think I would have learned by now. When you’re in love with a married man, you shouldn’t wear mascara".
Les réflexions font rire jaune, tout en étant souvent des remarques éclairées, et violemment vraies, sur certains ressentis.
Même les quiproquos avec les voisins, qui croient que Baxter brise des cœurs en série, finissent par ne plus remplir une fonction comique ; ils servent à placer sur le héros une culpabilité même pas méritée et à remettre une couche de gravité au film.
The apartment est finalement d’un pessimisme rare, ce que j’adore, mais il faut dire que c’est frustrant comme le héros se fait avoir jusqu’au bout, et par excès de docilité laisse sciemment passer toute chance de bonheur… en condamnant en plus la fille à une situation néfaste pour elle.
J’étais prêt à accepter cela, me disant que c’était peut-être plus réaliste ainsi… Mais il y a des fois où je ne suis pas contre un happy end.