Lewis Milestone, en voilà un réalisateur de talent avec à son actif "A l'ouest rien de nouveau", "Arc de triomphe", "Les révoltés du Bounty" pour ne picorer que quelques-uns de ses grands films…
"La Gloire et la Peur" dont le titre original est plus évocateur est aussi à ranger parmi ses grands films.
Le sujet du film est très intéressant. En effet, alors que les représentants de l'ONU (et américains) sont en train de négocier à Pam Mun Jeon l'armistice avec la Chine et la Corée du Nord, le commandement américain tente de reprendre aux chinois une colline Pork Chop Hill située en pleine DMZ. On est à quelques mois de la signature de cet armistice et donc de la fin de la guerre (pour les américains ... car la Corée du Sud n'a jamais ratifié cet accord). Afin de conforter la négo côté "Nations Unies" et la ligne de démarcation, ce dernier coup de collier va coûter quelques centaines de morts supplémentaires chez les GI…
Est-ce que ces morts ont été inutiles devant le faible enjeu (la colline est au milieu de la DMZ qui fait 4 km de large) ? ou au contraire, est ce que ces morts ont conforté la position du monde libre face au monde communiste ? Lewis Milestone s'interroge dans le film et espère en la deuxième proposition sans en être pleinement convaincu.
"La gloire et le peur" est un film sans concession. On y parle de la peur des hommes impliqués dans cette bataille, à quelques encablures de l'armistice. On y parle de la peur d'être tué ou broyé dans cette dernière bataille avec la crainte d'être tué par les copains (bombardements alliés de l'arrière mal ajustés, éclairages mal à propos alors que les troupes américaines progressent sur la colline, absence de renforts, …) "Être tué par les chinois passe encore, mais tué par nos propres troupes, ça jamais".
Comme toujours, Milestone s'intéresse aux hommes qui souffrent. Ici aux hommes qui souffrent alors que les grands chefs discutent (le bout de gras) à Pam Mun Jeon. Il nous offre une vision réaliste de l'état de ces hommes entre fatigue physique et nerveuse (messages radios chinois omniprésents) et absence d'enjeu. Il n'y a pas de belles scènes romantiques avec flash-back sur une vie normale ou sur des épouses ou des bons souvenirs. Ici, on est presque dans le documentaire, noir et blanc. On est dans un monde merdique qui n'offre guère d'avenir bien riant.
Par contre, Milestone nous fait toucher du doigt le décalage et l'incompréhension incommensurable entre l'Etat-Major et la troupe sur le terrain. Alors qu'il ne reste plus qu'une poignée d'hommes vivants qui réclament en vain munitions et renforts, survient un clampin frais et souriant pour prendre des photos des "héros". Il se fait renvoyer dans ses quartiers gentiment mais sûrement soulignant, encore une fois s'il le fallait, l'absurdité absolue de la guerre.
La réalisation de Milestone est concise, claire et efficace. Il parvient à mettre en place un suspense dans l'action qui est menée. A aucun moment, le spectateur ne perd de vue le détail de l'action. Ce qui est parfois le cas dans certains films de guerre où on ne sait pas trop ce qu'il se passe.
Si je rajoute en plus que c'est Grégory Peck qui joue le rôle de l'officier qui commande le détachement pour prendre d'assaut cette satanée colline, alors le film prend immédiatement une autre dimension. Bien entendu, il joue le rôle d'un militaire de carrière qui a pour objectif de faire avancer ses hommes sous le feu, coûte que coûte. Mais Gregory Peck donne une dimension – presque – humaine au rôle. La sobriété habituelle et naturelle du jeu de l'acteur le rend très crédible. Pas un mot plus haut que l'autre. Dans les scènes de grande tension, il garde son self contrôle même si postérieurement on le voit pousser un gros soupir de soulagement.
Dans le reste du casting, on note Martin Landau dans le rôle d'un autre officier, Woody Strode qui joue le rôle d'un soldat qui essaie d'éviter de se faire trouer la peau et est en conflit avec Gregory Peck. Une scène très forte met aux prises Woody Strode avec Gregory Peck, dans un coin isolé, qui n'en mène pas large … Et puis, le clampin de l'état-major que j'évoquais ci-dessus c'est George Peppard ! …
Au final, film de guerre très fort, très solide que j'apprécie bien pour la réflexion sous-jacente qu'il comporte, la qualité de la mise en scène et, bien sûr, Gregory Peck