« T’as pas un 2x8 rouge ? » se lançait-on autrefois, en plein milieu de la construction d’un ouvrage Lego, raisonnant au fur et à mesure comme une habitude et un vocabulaire à part entière. Autrement dit, toute une culture. Depuis quelques années désormais, afin de pouvoir s’implanter dans le XXIème siècle, les petits personnages jaunes se sont exportés dans d’autres médias : pensons avant tout au jeu-vidéo et sa franchise Lego très sympathique dans l’ensemble. Néanmoins, l’annonce d’un long-métrage a enthousiasmé autant que laissé sceptique : potentiel génial, certes, mais comment retranscrire, à l’écran, la créativité des joueurs et l’interactivité possible.
L’arrivée sur le projet de Phil Lord et Chris Miller finit par rassurer, notamment après le très efficace 21 Jump Street. Avouons-le : la promesse de Lego : la grande aventure était finalement presque démesurée. Force est de constater que le pari est tenu haut la main. Dès les premières minutes, le visage du spectateur se retrouve éclairci par un sourire béat qui ne faiblira pas jusqu’à la fin du film. Une réussite intégrale, autrement dit.
Le film démarre sur les chapeaux de roue et ne laisse pas au spectateur de doutes possible : ce sera drôle, démentiel visuellement et dynamique au possible. Les idées sont légion, autant sur le plan cinématographique pur et dur du film d’animation que sur le plan « que faire avec des Lego ? ». La présentation de l’univers a probablement de quoi rester dans les annales, au son de la musique Everything is awesome, délicieusement kitcho-pop, qui d’ailleurs ne manquera pas de vous hanter sans répit durant les heures suivant la projection.
Tous les détails esquissent un univers diablement abouti et intelligent, ne se contentant pas d’être un bête placement produit de références culturelles. En mettant en scène la créativité de l’univers Lego, le métrage s’interroge sur l’uniformisation : un thème d’autant plus d’actualité à l’heure où la production de films d’animation 3D ne contient pas une majorité d’œuvres originales et intéressantes. Dès lors, la connexion avec la réelle créativité de l’univers Lego est établie et permet au film de s’aventurer d’univers démentiel en univers démentiel. Des grands classiques de la franchise Lego jusqu’aux créations absurdes du duo de réalisateur, notre désir est rassasié de ce côté-là.
L’histoire, bien que classique, se sert justement de son schéma pour surprendre le spectateur : les réalisateurs en sont conscients et n’hésitent pas à jouer sur une bonne dose d’absurde afin de lui conférer également une réelle originalité. La mise en abyme de l’univers Lego fait par ailleurs entrer le film dans de nouvelles dimensions thématiques qui lui apportent une profondeur touchante. Avec du recul, on repense à l’intelligence du traitement de tels thèmes dans Toy Story ou encore à l’influence de l’esprit Spielbergien. Dans le fond comme dans la forme de la narration, difficile d’entrevoir de réels défauts, tant l’efficacité trouve ici un summum.
Les divers protagonistes, provenant d’univers multiples, permettent à Lego : la grande aventure de proposer des rencontres aussi inédites qu’hilarantes. A nouveau, si l’on est déjà séduit par les références culturelles mise en scène, c’est surtout l’intelligence avec lesquelles elles sont réparties dans le film qui marque : elles ne servent pas tant le fan-service, mais surtout le film et son humour. Peu de personnages apparaissent d’ailleurs en retrait, les principaux ayant finalement chacun le droit à au moins une scène d’anthologie. Un plaisir d’autant plus fort tant le casting vocal répond présent à l’appel, fort par ailleurs de nombreux caméos. Mention spéciale pour le drôlissime Benny, l’astronaute Lego des années 80.
L’originalité de Lego : la grande aventure puise aussi sa force dans son visuel. Bâtie sur l’influence du stop-motion, qui a vu de nombreux petits films Lego se développer un peu partout sur la toile, l’animation 3D propose un rendu définitivement original. Plus d’un plan bluffe complètement, d’autant plus grâce à la maestria de la mise en scène du duo de réalisateurs : c’est terriblement dynamique tout en restant très lisible. Une référence à ce niveau qui n’a rien à envier au Tintin de Steven Spielberg ! C’est dire la qualité, donc. Le visuel se retrouve enrichi d’une multitude de détails utilisant à nouveau le matériau Lego pour alimenter la mise en scène : on repense à nouveau à une gestion de l’eau ou du feu étonnement géniale.
Comment ne pas être séduit par Lego : la grande aventure ? On pourrait croire, à tort, que la réussite du film joue seulement sur la nostalgie du spectateur et son passif vis-à-vis de la franchise en question. Que nenni. Outre cet indiscutable capital sympathie, bien entendu, c’est avant tout un authentique film d’animation réussi de bout en bout qui nous charme, une vraie œuvre de cinéma. Le spectateur n’est jamais abordé avec facilité par le film, qui ne manque pas d’intelligence. Fun, intéressant, si ce n’est même émouvant : difficile de demander mieux, c’est Noël en avance !
La critique sur Cineheroes : http://www.cineheroes.net/critique-la-grande-aventure-lego-de-phil-lord-et-chris-miller-2014