Paolo Sorrentino reste pour moi une énigme, un cas d'école. J'ai beau me dire que son cinéma est en partie une arnaque, de l'épate bourgeois, je ne parviens pas à éviter de me retrouver pris au piège, comme hypnotisé, ponctuellement, et ce quel que soit le film.
"La grande bellezza" en est le parfait exemple. Des mots tels que fake, boursouflures, putassier (Je ne me remets pas du coup du niqab), pubard, outrance vide n'ont cessé de me passer par la tête lors de ces 142 minutes de tours de force épuisants et souvent vains, et pourtant, j'ai été saisi par instants, en particulier lorsque Sorrentino explore à fond ce qui semble son obsession, le faux-semblant, lorsqu'il ose faire apparaître ces flamants roses aussi fascinants que ridicules, lorsque l'abstraction remplace les phrases sentencieuses qui débarrassées de leur apparat de mise en scène sonneraient bien creux.
Pareillement je ne parviens pas à savoir si ce film est un hommage à Fellini et sa "dolce vita", s'il en est le prolongement actualisé et survitaminé ou un plagiat plein à ras bord de vanité et de vacuité. Mais c'est en cela que le Paolo est un malin, car il serait facile pour ses défenseurs de me rétorquer qu'il ne fait justement qu'illustrer ces deux qualificatifs plaqués à la société qu'il dénonce par les armes à sa disposition, celles du cinéma. Ainsi les outrances de sa caméra, les effets et métaphores surlignants, le surréalisme de certaines « scènes animalières » ne seraient employés que pour mieux imager ses freaks.
Cette hypothèse serait implacable si le bonhomme n'utilisait pas les mêmes moyens dans une grande partie de sa filmographie récente. - (Je tiens en grande estime "Les Conséquences de l'amour" et "L'Ami de la famille" mais ces souvenirs anciens ne me permettent pas de certifier que le ver n'était pas déjà dans le fruit) - "Youth" et "Silvio et les autres" par exemple permettant de légitimement soupçonner l'emploi d'une recette plus qu'un geste de cinéaste de génie.
Et si après tout c'était Sorrentino lui-même qui donnait la réponse à ces questions, à travers les mots de conclusion de Jep Gambardella :
Il y a un truc, c'était du bla-bla-bla...
Aveu implicite ou énième truc de malin ?