Inspiré d'événements réels retranscris par Paul Brickhill dans son récit du même nom, La Grande Évasion tue d'emblée tout suspens : l'évasion aura lieu, l'évasion réussira. Dès lors, notamment au vu de la grande durée du film (172 minutes), on s'interroge sur la capacité de Sturges à nous passionner pour une cause connue d'avance. Le début s'en sort très bien : la présentation des personnages, façon comédie, fait mouche et fait étalage de son impressionnant casting : McQueen, Bronson, Coburn, Pleasence ; c'est la grande classe. L’Histoire raconte que les russes, au visionnage du film au festival de Moscou, s'indignèrent du traitement favorable réservé au prisonniers Anglo-saxons. Difficile de ne pas acquiescer, le lieu de La Grande Évasion est autant un camp de concentration que l’Élysée est une maison close : ça jardine, ça boit du thé, ça chante. On peine à croire que la vérité ne fût édulcorée au profit des standards tout public auxquels s'adressent ce grand divertissement. La volonté est louable, la crédibilité en prend un coup.
La légèreté domine clairement la situation mais ne dure pas très longtemps, l'humour se fera d'ailleurs l'absent du reste du film de sorte que la planification de l'évasion s'opère. On passe donc de l'entrain rythmé de la comédie au tempo monocorde des coups de pioche. A vrai dire on s'ennuie, et ni les nombreux dialogues, ni le faux suspens de la découverte du pot au rose ne parviennent à nous supprimer l'idée que tout est déjà joué. En d'autres termes : le jeu est pipé. C'est le partis pris du film mais en même temps son gros défaut : la surprise n'existe plus, donc l'émotion avec. L'attente de l'évasion et son caractère imprévisible se révèle être la seule forme de suspens que propose le cinéaste, empiler les stars pour faire illusion ne suffit pas car le fait est là : on ne frisonne pas. L'évasion pointe enfin le bout de son nez (au bout de deux longues heures) et tient toutes ces promesses : vont-ils tous s'en sortir ? Vont-ils échapper aux Allemands ? Les personnages auxquels on s'est attaché sont enfin mis en danger et nous avec : on s'émeut enfin.
Structuré en trois rythmes, La Grande Évasion est un film inégal dont la structure reste solide : casting au top et scénario en béton. On ne pourra toutefois s'empêcher de trouver l'édifice fragile et la narration parfois ennuyeuse. Le film est un classique mais souffre sûrement de la récurrence des œuvres qui l'ont imités. C'est la rançon de la gloire.