En 1943,après la signature de l'armistice par l'Italie, un sous-lieutenant voit sa caserne désertée, et il doit fuir car l'armée allemande rôde encore. Il a encore une petite garnison à ses côtés, qui va se réduire à quelques hommes, qui vont tous vouloir rentre chez eux. Seulement, le chemin est semé d'embûches.
Malgré les noms de Comencini et Sordi, le film n'est pas vraiment une comédie, mais c'est plus désabusé et mélancolique sur ce que sont devenus ces hommes, ce qu'ils vont devenir tout au long de cette route qu'on pourrait qualifier d'initiatique. C'est l'Italie sous les ruines, qui se jette sur un camion qui déverse des sacs de farine, qui ne sait pas quoi faire de cet armistice...
Mais c'est également l'occasion d'y voir un éblouissant Alberto Sordi en sous-lieutenant, une sorte de de Funès avant l'heure qui profite de son petit pouvoir pour mener ses hommes à la baguette, avec sa voix de fausset, jusqu'à ce que les masques tombent au fur et à mesure du voyage. Les autres soldats sont Martin Balsam, fermier pas très malin dont sa famille protège un aviateur américain caché au grenier, Nino Castelnuovo qui va défendre au prix fort une jeune femme juive, Claudio Gora qui va rentrer dans la résistance et Serge Reggiani, un soldat que Sordi va vouloir raccompagner chez lui après qu'il ait appris que son père est un collaborateur et qu'il ne veut donc pas être sous le même toit que lui.
On sent que ces hommes ne sont pas des fascistes à proprement parler, et qu'ils ont rejoint l'armée du Duce pour profiter des avantages ainsi que de l'argent que ça peut rapporter à leurs familles.
Dans un noir et blanc sublime, ce sont toutes les désillusions de l'Homme que l'on voit, jusqu'au final que j'ai trouvé magnifique et poignant, bien qu'un peu rapide. Le budget ne semble pas non plus élevé, si on juge les tanks qui sont grossièrement décorés, mais là n'est pas le sujet.
Les personnages sont au fond touchants, très bien écrits ; ainsi, on découvre que Reggiani mange souvent parce qu'il a un ulcère. Ou alors la seule scène vraiment drôle, qui se situe quand Sordi demande à son bataillon de traverser un tunnel, car ils ont peur du noir. Il se dévoue, franchit le tunnel, et se retrouve en un instant quasiment tout seul !
Il y a toujours cet apport touchant de la famille, notamment toute la partie chez Martin Balsam, qui est entièrement réunie dans cette ferme, et qui vaudra une très belle scène entre Alberto Sordi et Alex Nicol, qui parle à la fois anglais et italien.
Injustement classé dans la comédie à l'italienne, La grande pagaille est un film admirable, souvent émouvant, et dont on a envie de serrer Sordi dans ses bras tellement sa bêtise et sa suffisance le rendent touchant.