Après l'Expédition, Satyajit Ray exprimait avec amertume les enjeux professionnels du monde moderne indien, à travers cette grande histoire familiale, subissant de nouveau la pauvreté. Utilisant à merveille ses effets de mise en scène, quitte à minimiser les prises de vue, le réalisateur saisissait comme habituellement toute les expressions sur les visages de ses personnages. De l'effroi de la perte d'un salaire au plaisir incommensurable de recevoir un cadeau, La Grande Ville délivre un magnifique message où il importe davantage de rester empathique et courageux, face au gain.
Le montage alterné comme le rythme des scènes participe au ressentiment que souhaite évoquer Ray, vis-à-vis de la distanciation progressive du couple incarné par les excellents Anil Chatterjee et Madhabi Mukherjee. Il est douloureux d'apercevoir toute cette famille abattue par la maladie du grand-père, puis l'isolement volontaire du mari qui ne croit plus en ses possibles qualités. Comme pour le film précédent, en témoignant sans doute d'une plus grand ambigüité sur la hiérarchie sociale, le long-métrage conserve un propos universel sur la pression psychologique que chacun puisse se mettre sur les épaules.
Pourtant, qu'il s'agisse du médecin ou du gérant de la société, les mieux lotis donc les moins à plaindre, font preuve de compassion envers l'autre, mais ne se rendent pas forcément compte des abus de position. C'est peut-être la différence entre l'accomplissement professionnel et moral, il ne faut pas seulement un travail pour appréhender et comprendre la Grande ville qui puisse nous entourer, mais un effort considérable.
Un effort qui nécessite remise en perspective, et pardon.