Rappel de mes propos préliminaires : à la suite des heures consécutives sur le dernier jeu tiré de l'univers et de la lecture navrante d'une critique sur l'un des opus de la Prélogie, l'envie s'est fait sentir de repartir dans les tréfonds de mon enfance et d'affronter l'un des piliers de ma culture cinématographique. Je ne cacherai pas que je suis l'un de ces enfants de la "génération Prélogie" (dîtes aussi génération "Septembre 2001", à vous de choisir) mais je vais essayer de dépasser la subjectivité inhérente à ce que m'ont fait ressentir ces trois opus. Poursuivant donc ma réflexion, l’heure est venue d’affronter l’Evangile selon Saint George Lucas et en toute logique, le « premier » opus de cette saga, définitivement pas comme les autres…
Trônant majestueusement dans mon étagère, l’édition 2004 de la Trilogie Originale est pour moi un monument de mon enfance. Je disserterai donc des versions « ajustées » par Dark lucas et tant pis pour les puristes. On lance l’enceinte avec du John Williams pour accompagner la réflexion et on peut partir sereinement.
Ce que j’accorderai à ce film plus qu’à tous les autres, c’est l’intemporalité du travail rendu, à la fois sur le scénario que sur les effets visuels. Fonctionnant sur un système de bric-à-brac et de maquettes, ce fim a une magie indéniable. Si on rajoute des acteurs qui ne croyaient pas au succès de film mais qui ne déméritent pas, on obtient un OVNI dans le monde du cinéma.
A cette époque, Lucas n’en n’est pas à son coup d’essai. Esprit créatif et brouillon, il va commencer à imaginer ce galactique soap opéra. Loin d’imaginer le succès monstrueux de son œuvre, il va tout de même avoir la clairvoyance de se garder les droits et recettes des produits dérivés. Mi-amusés, mi-affligés par cet artiste mal coiffé, les producteurs se contenteront des recettes des films, éventuelles suites que Lucas avait en tête. Quel marché de dupes !
Marché de dupes dont est coutumier Lucas, en réalité. En laissant son Univers à la libre expression des fans comme un défi lancé à l’imagination collective, Lucas prendra un malin plaisir à ne surtout pas tenir compte de leurs propositions ou de leur rage d’impuissance face aux retouches successives que Lucas imposera sur son œuvre.
Tel un artiste qui dessaoule, Lucas affinera son travail des années après la sortie d’un film et l’Episode IV – puisqu’il convient de le nommer ainsi- est celui que Lucas a le plus retravaillé. Et ce, pour le plus grand plaisir des fans de la première heure…
La grande réussite de film, c’est d’être capable de nous faire rêver et d’imposer un standard de menace rarement égalé et encore moins surpassé. Là où les scénaristes modernes s’imposent une course à l’échalotte sur des menaces encore plus grosses, encore plus terrifiantes, Un Nouvel Espoir pose la barre aussi haut que possible. Une station lunaire à la taille infinie -d’une petite planète- capable de détruire une planète entière en un seul coup. Faisant des menaces suivantes, soit des resucées (Etoile de la Mort) soit des tentatives gênantes d’être plus impressionnant (la base Starkiller ou la flotte entière de vaisseaux tueurs de planètes…).
En effet, de cet opus, c’est bien la qualité des menaces qui transparait. Entre l’impitoyable Tarkin, prêt à sacrifier une planète juste pour gagner un argumentaire avec sa prisonnière, Vador aussi charismatique que peu loquace et enfin un Empereur fantomatique, ce film fait la part belle aux ennemis de la liberté. Rajoutez à cela une base ennemie aussi terrifiante qu’au design épuré et une armée de soldats, incarnation évidente du fascisme et vous obtenez un beau cadre d’oppression politique et militaire. Aussi simple qu’efficace.
Leur répondant coup sur coup, les héros se battent sans relâche et imposent un précédent. Les héros ou devrais-je dire « l’héroïne » car c’est bien Leia qui ressort grande étoile du firmament de la Rébellion. Ses quatre comparses faisant bien pâle figure en comparaison.
Autant Lucas a toujours été un piètre dialoguiste, autant il faut lui reconnaître sa capacité à créer des personnages -féminins à fortiori- aussi efficaces qu’attachants. Et notre Princesse de cœur en est l’éclatante incarnation. Combattive sans être divinisée, mouchant verbalement ses adversaires sans être arrogante, elle incarne superbement cette « diplomatie musclée » chère à sa sénatrice de mère…
Les personnages de Padmé et Leia semblent aussi complémentaires entre eux qu’opposés au personnage christique de Rey. Ou comment ne pas corrompre le girl’s power qui nous plonge en plein Absurdistan. Leia n’est pas réduite à un totem d’une pauvre princesse à sauver. Elle cherche à lutter jusqu’au bout, résistant à la torture jusqu’à impressionner Vador (l’approbation paternelle, il n’y a rien de plus beau) et ne se défilera pas lorsque le moment de combattre viendra. Traits de caractères qui se poursuivront dans les opus V et VI.
Ce qui fait, selon moi, de Leia le vrai personnage principal de ce film, bien loin des aspirations d’un fermier qui se cherche, d’un vieux con terré dans sa hutte et des deux contrebandiers dont l’un des deux compense son inutilité par un charisme ravageur (ah Chewie…). Et tout ça, sans citer sa coiffure iconique qui accentue encore plus sa légende.
Non, clairement, Leia est l’héroïne de cet opus. Et son atout, c’est qu’elle s’est construite son propre mythe tout en étant clairement maintenue à statut d’être courageuse et têtue mais humaine. Et d’autant que je me rappelle, là où Luke se mystifie sur les trois films en développant son lien avec la Force, la Princesse est tout autant capable de lui tenir tête même sans sabre laser et de tours de magie usés… Et cela m’apparaît d’autant plus vrai que Luke donne vraiment ce sentiment de n’être qu’au début d’un voyage et qu’il va avoir besoin de temps avant de se « réaliser ». Là où Leia est accomplie sans être figée, Luke doit encore évoluer (ce qui fait de Leia l’équivalent d’un Pokémon Légendaire en somme…)
Et bien entendu, que ce voyage de Luke est nécessaire pour faire fonctionner la narration. Si tout est dit sur un personnage, un film et une trilogie n’ont pas vraiment d’intérêt. Mais il est évident que le personnage le plus mature des cinq personnages de cet opus est Leia. Ce qui rend ce film incroyablement précurseur. Un petit côté Rey-onnant.
Par rapport au précédent établi mentionné plus haut, je parle bien sûr de la structure des personnages. C’est l’un des premiers trio de héros (en oubliant la grosse peluche) de nos récits narratifs modernes, formule plus que plagiée. Qui permet de créer une partition des compétences et des défauts, savamment entretenue par des joutes verbales plus qu’efficaces !
Sortons du fond, passons à la forme.
Au côté des personnages, c’est vraiment l’esthétique globale qui marque tous les esprits. Alors que les effets spéciaux n’étaient qu’à leurs balbutiements, les équipes techniques nous font réellement voyager dans les étoiles. Ils réussissent l’exploit de toujours maintenir cette illusion vivante.
Lucas et ses sbires ont su imposer un style fondateur pour le cinéma hollywoodien qui cherche désespérément son successeur.
L’art de Lucas est aussi d’avoir imposé un film, construit un Univers sans commencer par le début. Si cet opus n’est devenu que le IV qu’après sa sortie, force est de constater que Lucas s’était habilement laissé des portes narratives pour explorer les décennies qui ont précédé Un Nouvel Espoir. La Guerre des Clones, l’avènement trouble de l’Empire et la relation qu’entretenait « Ben » Kenobi et Anakin Skywalker tragiquement assassiné par le ténébreux Dark Vador.
Une base solide pour un film, voir même une trilogie. Même pensée après la sortie d’Un Nouvel Espoir, il faut tout de même rester admiratif de la folie artistique de Lucas. D’un simple opus, Lucas a ouvert quantité de portes pour toute une mythologie qui apparaît naturelle. Et je n’écris pas simplement ces mots après avoir vu une dizaine de films et plusieurs séries animées sur ce sujet. Je me rappelle encore précisément ce que j’ai ressenti lors de mon premier visionnage (pour information, même arrivé après la bataille, j’ai suivi l’ordre originel de visionnage, comme les puristes).
Cette ambiance et mythologie semblent évidentes. Et c’est un sacré tour de force.
Lucas se contentera d’une vision politique épurée pour ce premier opus. Les vilaines forces armées menacent la liberté, sabordent les derniers vestiges de la République et obtiennent le pouvoir de détruire des planètes. En face d’eux, un groupe de courageux rebelles aussi déterminés que sous-équipés. Entre les deux, une galaxie attentiste, plus ou moins terrifiée par l’Empire et rechignant à s’engager dans le combat. Une bonne vieille dualité entre le bien et le mal en somme. Avec un parallèle évident avec des régimes totalitaires qui parleront aux Européens.
Que rajouter de plus ? Cet opus est à la fois le plus faible de la trilogie mais le seul qui peut s’apprécier en autonomie, le plus révolutionnaire sans être toutefois le plus impressionnant. Un Nouvel Espoir, c’est d’abord et avant tout, une nouvelle ère. Dans les techniques visuelles, dans le cinéma et dans le capitalisme cinématographique.
En effet, Lucas a véritablement inventé et développé le marchandising. Star Wars est une machine à cash, nul ne peut le contester. C’est aussi une mythologie à part entière. C’est enfin tout un pan de la culture occidentale moderne. Et mine de rien, c’est déjà beaucoup.
En définitif, Un Nouvel Espoir, c’est beau et puissant. Cela vieillit incroyablement bien et c’est de la nostalgie pure. Personne ne peut nier les dialogues assez faibles sur la longueur du film. Mais globalement, et malgré l’ultra-simplification du contexte (les gentils versus les méchants), le résultat est plus qu’honorable. De quoi marquer plusieurs générations.
P.S : Après avoir préalablement attribué 6/10, je vais me permettre de lui rajouter un point, afin de marquer le coup. Donc oui, 7/10 me semble acceptable. Pleins de promesses, perfectible, ambitieux, nanardesque. Bref, du Lucas en somme.