Dans l’ordre chronologique, voici le premier opus de la saga galactique qui a bercé l’enfance de nombreux cinéphiles d’aujourd’hui. Un film aussi âgé que moi, né bien avant le numérique, un film old school donc, plein de bricolages peu couteux qui ont obligé l’imagination de George Lucas et de son équipe artistique à s’envoler. Ce n’est pas le meilleur épisode de la saga, beaucoup de défauts scénaristiques, mais, sous le vernis de modernité numérique voulu par son producteur réalisateur, le charme opère toujours. Il y a de l’innocence et de l’insouciance, de l’approximation, c’est parfois bancal, mais c’est probablement ce qui a fait le mythe.
Le plaisir nait dès les premières mesures de John Williams et le déroulant jaune dans l’espace. Loin des magouilles et des manipulations politiques de la prélogie, c’est une rébellion que George Lucas va nous narrer ici. L’histoire de jeunes idéalistes épris de liberté face à l’ordre établi et à la terreur de l’Empire. Et tant que notre monde restera ce que décrit la prélogie, le succès de la trilogie originale continuera longtemps.
La photographie est très inégale. Il y a du bon, et le plaisir de l’argentique qui s’embellit de ses défauts ; mais il y a du mauvais également : une lumière parfois brouillonne, des cadres pas toujours bien travaillés, une forme pas toujours pensée. George Lucas est jeune, le budget est serré, les contraintes de temps sont visibles… Vingt ans plus tard, l’auteur retravaille sa saga mais la plupart des ajouts numériques sont laids : les nouveaux aplats de lasers ou de charges électriques ne s’intègrent pas à l’image, les découpes des nouvelles bestioles sont trop nettes, la nouvelle séquence avec Jabba, visuellement, ne fonctionne pas. Les seules réussites numériques sont dans les plans d’ensemble de Mos Eisley. En triturant son film emblématique, George Lucas n’a fait que le massacrer, l’erreur d’un producteur qui n’est pas resté cinéaste.
Le scénario aussi est inégal. Un peu long, le film met plus de quarante minutes à réellement démarrer et l’introduction amenant le jeune Luke Skywalker à quitter Tatooine n’a pas l’intensité requise. Un peu niais, avec sa jolie princesse et son héros innocent qui semblent déstabiliser un Empire pourtant solide, jusqu’à cette fin tout sourire où Han, Luke et Leia s’étreignent en riant naïvement pour souligner le happy end… Mais le mythe tient aussi de ce manichéisme assumé et de cette légèreté, synonyme d’accessibilité à la plus large tranche d’âge possible.
Rien de trop profond ni de trop cérébral, le spectacle avant tout.
Le spectacle, et c’est bien là le charme premier du film. Costumes sur mesure pour chacun : le masque et la cape de Darth Vader font le méchant, sa voix profonde et sa respiration resteront longtemps des éléments iconiques du cinéma ; les robes et les coiffures de Leia affriolent toujours la gente masculine ; l’uniforme austère de Luke contre la modernité décontracté de Han Solo racontent cet antagonisme nécessaire à leur complémentarité. Décoration époustouflante : les décors originaux de Tatooine dépaysent le spectateur ; la base rebelle et les nombreux vaisseaux dans le hangar, les combats spatiaux entre le Faucon Millenium, les destroyers de l’Empire, les X-Wings de l’Alliance, tout ça assure le voyage dans une galaxie très très lointaine. Puis ce survol final de l’Étoile Noire, bien belle maquette qui joue de la magie du cinéma ! La seule séquence d’ailleurs pleine d’un suspense admirablement géré. Inoubliable.
Star Wars - Episode 4 n’a pas pris une ride, mais plutôt la laideur moderne d’un lifting raté. Le film reste un objet culte sans être un objet de cinéma idéal, à la grammaire hésitante – George Lucas n’a jamais été, et ne sera jamais un grand metteur en scène – et aux propos légers. Du divertissement, du dépaysement assurément, du spectacle. En mêlant heroic fantasy, saga spatiale, humour et enjeux poltiques, ce film reste avant tout le père de la science-fiction moderne, accessible à tous pour le bonheur des plus jeunes comme des plus âgés. Longtemps il racontera l’espoir grandiloquent et niais que l’union et de la conscientisation des faibles aidera les générations futures à grandir et à s’émanciper.
Il est tellement agréable de se laisser bercer de ces bons sentiments…
Matthieu Marsan-Bacheré