Dans son nouveau film, La Ilsa Minima, Alberto Rodriguez, nous donne à voir un thriller prenant, d’une incroyable beauté. Le décor est grandiose et notre réalisateur sait le mettre en valeur avec des vues aériennes à couper le souffle. Dès le début du film, les canaux des marais du Guadalquivir nous emmènent dans un monde merveilleux, un monde où tout semble idyllique mais où la dure réalité de terres enclavées et rurales saura vite nous rattraper et nous montrer l’envers du décor. La beauté des paysages tranchera tout au long du film avec l’horreur, l’effroi que suscitent les scènes où sont retrouvés les cadavres des adolescentes disparues et la violence froide et perverse des crimes commis.
Tout commence dans ce petit village andalou, où, un soir de fête, deux adolescentes disparaissent subitement. Deux Policiers sont alors envoyés de Madrid pour enquêter sur l’affaire. Ce qui ne semblait être à l’origine qu’une fugue d’adolescentes rêveuses, cherchant un avenir meilleur, loin de leur campagne natale, deviendra au fil du récit un thriller entrainant et saisissant. Les policiers iront alors de surprises en surprises, de rebondissements en rebondissements et s’enfonceront dans une campagne sombre et hostile.
Dans ce film, où le passé se mêle au présent, Alberto Rodriguez nous dévoile une Espagne post-franquiste des années 1980, marquée par la corruption. Au lendemain du régime fasciste, les traces de ce dernier restent nombreuses. Ici, un message sur un mur où il est écrit « vive franco, on a vaincu et on vaincra ». Un peu plus loin une affiche de ce dernier qui plane au dessus du village comme une menace que trop récemment écartée. La tension est palpable, entre conflit social (grève, économie au ralenti) et loi du silence, il sera dur aux deux policiers d’avancer et de surmonter leurs différences. Plus qu’un simple thriller, La Isla Minima traduit ainsi des séquelles laissées par 40 ans de dictatures. Rodriguez le dit si bien : « Le cadavre de Franco bouge encore ».
Tout au long du film l’humidité reste omniprésente et on ne peut s’empêcher de penser à Dans la brume électrique de Bertrand Tavernier où l’atmosphère étouffante des marais de Louisiane créer un cadre propice au meurtre et aux intrigues. C’est d’ailleurs sous une pluie battante que le film atteint son paroxysme, dans une scène de dénouement où l’enquête peut enfin trouver un terme.
En bref, ce thriller aux 10 Goyas, sait nous emporter dans une Andalousie belle et sombre et nous montrer que le cinéma espagnol sait toujours rester d’actualité.