Alors que Nic Pizzolatto avait tenté de retranscrire l'univers sombre, englué et poissard d'une enquête policière dans des marais avec True Detective (un remake faiblard de Derick), voici que Alberto Rodríguez nous plonge en 1980 dans les marais du Guadalquivir au fin fond d'une Andalousie qui n'a pas encore fait son deuil de Franco. On retrouve le grand classique du polar provincial, avec son équipe de deux enquêteurs venus de la capitale qui se retrouvent face à un monde qu'ils ne maitrisent pas. Deux jeunes filles ont disparu et les cherches font ressortir la vase qui se cachait sous les hautes herbes. Un scénario somme toute assez classique, dans la veine de Memories of Murder. Cependant, sans spoiler, les arcs scénaristiques ainsi que le traitement des personnages sont indéniablement maitrisés dans une écriture distinguée et talentueuse ainsi que dans des rapports de forces sobres et directs. Cette efficacité nous donne un squelette parfaitement solide pour le revêtir d'une mise en scène délicieuse.


Il faut le dire, mais cette réalisation est d'une saveur pimenté savoureuse. Si certain lui reprocherons un certain classicisme, je tiens à la défendre dans son utilisation des vues aériennes, du hors-champ et de la tension exemplaire. Qu'est-ce que c'est bien filmé, bien éclairé, bien monté et bien joué ! La maitrise du film par le réalisateur est totale et on le voit jongler avec une caméra puissante et rapide tout en gardant sa fluidité et son emprisonnement dans le cadre. On n'échappe pas à l’environnement glauque et poussiéreux de ce décor angoissant. De plus, on assiste à un véritable travail sur le visible:
Entre négatifs de photos abimés, reflets dans le miroir, d'oiseau, d'angles de prises de vue, d'éléments de décor ou encore d'intempérie, tout est affaire de regard dans ce film. Du regard que l'on pose sur autrui, des yeux clairs de Quinni qui semblent être plus opaques qu'ils ne le laissent croire; en passant par la poussière remuée la nuit, la pluie battante ou les roseaux. Impossible d'avoir un champ de vision parfaitement clair et distinct. Le film cherche à empêcher les protagonistes (et les spectateurs) de véritablement comprendre ou voir ce qu'il se trame. Ce travail savamment mit en scène dans le film lui apporte une cohérence fond/forme très fine et superbement capté par cette caméra qui jamais ne déborde (aucune ironie dramatique dans tout le film !).


Bref, La Isla Mìnima est mon polar de l'année pour le moment et je ne peux que vous encourager à aller dévorer ce film dense et sombre qui arrive à merveille à vous faire sentir ces gouttes de sueurs du soleil qui tape sur vos fronts alors que vous étudiez un cadavre encore frais. Parfait.
Bisous

Augustin-Prophè
8

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Créée

le 27 juil. 2015

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