La Isla Minima, c’est l’aboutissement parfait dans ses imperfections de l’évolution du polar noir des années 2010. Dans tout ce qu’il fait. Dans ses personnages, dans sa localisation, dans son époque, dans son ambiance, dans sa construction, dans son rythme, dans les thèmes abordés. Et le polar noir en 2015 ne mise pas vraiment sur le déroulement de son enquête mais plus sur sa localisation, son époque et l’influence, les conséquences qu’ils ont sur ses personnages. Des personnages tout en tronche et en silences pesants.
Mare et Cage
Année 1980, Andalousie. Des marécages, un fleuve sinueux, des champs, des petites routes terreuses, une végétation envahissante, de vieux rafiots rouillés, de petits bateaux à moteur, un climat moite, une atmosphère poisseuse. Une Andalousie marécageuse que toute la jeune génération rêve de fuir, sans jamais y arriver, piégée par ses étendues boueuses entourées de végétation sauvage, perdue dans le labyrinthe infinie des ramifications de ses étendues d’eau. Des années 1980 marquées par l’arrivée de la démocratie qui n’a de démocratique que le nom, embourbées dans le bourbier de son passé franquiste, ravagées par les conséquences dramatiques de sa situation économique.
Les détectives sauvages
Dans cette Andalousie marécageuses des années 1980 deux policiers torturés au passé mystérieux douteux viennent enquêter sur la disparition de deux magnifiques jeunes femmes, tuées, torturées, violées. Deux énigmes. Deux détectives mutiques rongés par le job, prêt à tout pour résoudre leur affaire. Deux trognes, qui grognent, ronchonnent, marmonnent, cognent, la clope au bec, la moustache au vent. Deux caractères contraires aux aspirations différentes qui schématisent de manière simpliste une Espagne divisée, écartelée entre son passé et son futur. Deux hommes qui se retrouvent face à une puissance mystiques, une voyante étrange perchée sur un bateau de pèche qui retrouve les lieux du crime et annonce la mort. Parce dans un polar noir en 2015, il doit y avoir un peu de mystique, un peu d’étrange, une présence supérieure.
C’est beau, c’est prenant, c’est pesant, c’est hypnotique, quasi extatique, mais l’enquête suit un chemin tracé d’avance, n’implique jamais, n’étonne jamais, ne passionne jamais.
La Isla Minima, c’est le polar noir des années 2015 parfait dans ses imperfections, qui construit une enquête en quête de belles images, du plan parfait, de l’ambiance ultime, de la beauté plastique magnétique mais qui finit par en oublier de lui donner de l’épaisseur, de la faire décoller, de tétaniser, de surprendre.