J'ai longtemps eu un apriori sur ce film qui fait que longtemps je repoussais sa découverte.
Je me suis lourdement trompé, ce film m'a ébloui.
Ce film est une leçon de féminisme, une ode à l'émancipation des femmes. En pleine époque victorienne Ada, jeune femme muette et sa fille sont envoyées en Nouvelle-Zélande où Ada a été promise par son père à un colon. L'accompagnant dans ce périple, un piano qui deviendra un élément central du récit.
Quand son mari vient les récupérer sur cette plage où elles ont débarquées, il prive sa femme de son seul moyen d'expression, l'enfermant encore plus dans son mutisme et symboliquement dans son rôle de femme dévouée, bridée par les carcans de la société qui sont symbolisés par sa tenue encombrante.
Ainsi quand un voisin, beaucoup plus intégré à la culture maori, symbolisant la liberté et le rejet des conventions, lui propose d'échanger son piano contre des faveurs, elle accepte le marché, car c'est pour elle l'occasion unique de retrouver son vecteur d'émotions tout en ignorant les règles sociales.
Jane CAMPION nous offre ici des scènes d'une rare sensualité, érotiques à souhaits et je ne comprend pas certaines critiques qui y voient un étalage vulgaire de chaires ou une utilisation machiste du corps de la femme, on n'a pas du voir le même film.
En effet, si le mari trompé incarne les bonnes moeurs d'une société sclérosée, enfermée dans son patriarcat et son machisme, Baines lui avec ses manières rustres, ses tatouages tribaux qui déjà disent le peu de cas qu'il fait des conventions britanniques, incarne le chaos il est celui qui par son comportement mettra en danger la tradition.
Mais pour Ada, au fur et à mesure qu'elle participe à ce marché, puis qu'elle le contrôle, il devient évident que Baines est celui qui l'aidera à se libérer, entre eux naissent ainsi les sentiments d'un amour sincère, qui les poussera à se libérer, elle des conventions et du silence de sa prison dorée, lui en s'adoucissant et en se laissant envahir par ce sentiment.
Quand à la fin, elle retrouve sa fille, qu'elle avait symboliquement perdue dans sa quête d'émancipation, qu'elle sait qu'elle pourra désormais exprimer ses émotions, elle se sépare du piano comme s'il portait en lui toutes les entraves du passé.