Zatoichi a-t-il l'étoffe d'un justicier ?
Aïe, un titre qui rappelle les films de Charles Bronson... S'agit-il seulement d'un film de vengeance ? Oui et non.
C'est le premier film de Zatoichi produit par Katsu, l'interprète principal, qui venait de monter Katsu Productions.
Le scénario est original : pour une fois, Zatoichi se trompe. Il arrive dans un village où les récoltes ont été mauvaises, mais où les tripots fleurissent. Deux patrons de tripot se disputent le marché, mais l'un d'entre eux, Asagoro, attire la sympathie du masseur, parce qu'il prétend ouvrir moins souvent pour empêcher les pauvres de s'endetter. Séduit, Zatoichi va faire son affaire à l'autre patron, un gros pourri. Mais Asagoro se révèle pire que son ancien concurrent.
Zatoichi, un marginal qui ne s'implique jamais à moins d'y être obligé, au moins moralement, et en général bon observateur de la nature humaine, est ici le dupe d'un beau parleur. C'est intéressant, d'autant que la réalisation manipule quelque peu le spectateur, l'amène à juger. Le film fait encore la part belle aux seconds rôles, comme cette jeune fille obligée de se prostituer, ou ce paysan dont Zatoichi coupe le bras par erreur. Le début insiste sur l'aigreur du masseur, aigreur vis-à-vis du monde des voyants sensible dans d'autres films, mais qui prend ici une position extrême.
Il n'y a pas trop de bons sentiments : Zatoichi ne s'excuse pas pour ses erreurs, il a simplement le moral très bas. Il revient, corrige comme il peut et s'en va sans dire un mot, assez honteux. C'est bien.
Il y a aussi un personnage de samourai vivant au milieu des paysans, s'efforçant de les éduquer, de les détourner du jeu et de l'alcool, de les pousser à s'organiser, figure de syndicaliste et de saint tout court. L'ambiance de l'époque, sans doute, de tels personnages sont rares dans le cinéma japonais, à ma connaissance.
Les combats sont un peu plus gore : bras coupé, décapitation, jets de sang, mais ça reste mesuré et supportable. La couleur est aussi plus belle que dans d'autres épisodes précédents, sans que je sache pourquoi.
La faiblesse vient plutôt du montage : l'histoire est un peu dure à suivre, sans doute parce que l'introduction de plusieurs personnages est un peu maladroite. Ou alors il y avait d'autres scènes prévues et elles ont été coupées ? Bref, le film semble un peu inachevé de ce point de vue, il y a des aspérités.
Un Zatoichi moins intense que d'autres, moins uni, surtout intéressant pour sa profondeur morale.