Les années 1930, c’est un peu l’installation de l’apocalypse. En 1937, L’Europe est largement dominée par les idéologies d’extrême droite et les démocraties vacillent dans le sillage de la crise de 1929. Aux States, les mêmes dangers rôdent la nuit, quand on ne les voit pas. Frank est un honnête ouvrier méritant dans une usine. Quand arrive l’heure de sa promotion, elle lui passe sous le nez au profit d’un fils d’immigré polonais. Franck voit rouge et se met dans une colère noire. Pile poil le bon moment pour se faire embrigader dans un groupuscule secret pratiquant les représailles armées contre l’envahisseur. Il est tout d’abord réjouissant de retrouver ce Bogart dont on avait oublié le charisme à force de le voir et de ne plus le regarder. Son jeu est ici tout en puissance à mesure qu’il s’enfonce dans l’obscurité. Sa présence colle parfaitement à l’ambiance du film car nous sommes quelque part entre le thriller politique et le polar noir. Les codes du noir sont d’ailleurs de mise et conformément au genre, notre héros n’en finira par de chuter sans qu’aucun retour en arrière ne soit possible. Tu paieras pour ton pêché. J’ai commencé par une mise au point contextuelle car le film est indissociable de son contexte. Les discours de haine des fonds de caves sont des copies conformes des diatribes d’Hitler, jusqu’à la gestuelle. La tenue de ces brutes haineuses (davantage crapules qu’idéologues) est celle de la véritable Légion noire, groupuscule actif dans les années 1930, et donc proche de l’esthétique du KKK. Le choix d’une victime polonaise n’est probablement pas innocent non plus (il est d’ailleurs étonnant que les apprentis nazis s’en débarrassent en l’exilant de force dans un train …). Le film se conclut sur un plaidoyer pour la défense des valeurs américaines (liberté, justice, respect des droits, respect de la propriété privée, …) à grands coups de citations de la constitution, des pères fondateurs, de la déclaration d’indépendance … à l’américaine en somme. Ça a le mérite de lever toute ambiguïté mais on doit admettre que le ton moralisateur est lourdingue. Reste que ce film se veut probablement pédagogique et on imagine qu’il peut se montrer persuasif. Quoi qu’il en soit, on tient là un très bon thriller noir à l’intrigue bien menée et à l’interprétation solide. Un vrai plaisir qui n’a pas souffert des années pour peu qu’on le replace dans son contexte. A noter qu’il fut un temps censuré au USA ainsi qu’en France en raison de sa violence (toute relative, question de standards). A voir assurément !