Si on passera sur une enquête complexe où on ne comprend pas toujours tout (euphémisme), il faut avouer que « La Lettre du Kremlin » a de la gueule. Mise en scène glaçante de John Huston (qui exprime remarquablement l'enfermement de plus en plus oppressant du héros), galerie de personnages jubilatoires, répliques parfois admirables... On sent bien que le réalisateur du « Faucon maltais » a pris beaucoup de plaisir à réaliser ce jeu de massacre subtil, volontiers pervers et jouant brillamment sur le contre-champ pour nous évoquer les pires horreurs. Certaines scènes n'en sont pas moins remarquables, aussi bien lorsqu'il est question d'évoquer le sexe (Bibi Andersson en nymphomane perturbée est splendide) que les relations étranges et fascinantes que peuvent avoir les différents agents entre eux. Il suffit de voir le grand George Sanders en homosexuel accroc au tricot et drag queen à ses heures perdues, mais au font on pourrait quasiment tous les citer, à l'image d'un Richard Boone éblouissant, sans aucun doute l'une de ses plus belles performances. Et au moment où on pense avoir (enfin!) un peu de répit, Huston nous achève définitivement en nous offrant un dénouement d'un cynisme sans nom, sans doute parmi les plus brutaux de l'Histoire du cinéma... Sacré film en tout cas, peu aimable assurément, mais que l'on est pas près d'oublier de sitôt.