... et surtout artistique, Eisenstein oblige. Eisenstein commis d'Etat - il se rattrapera in extremis avec la 2e partie d'Ivan Le Terrible - a réalisé de grandes oeuvres du régime soviétique : Le Cuirassé Potemkine et Octobre, sur le souffle épique révolutionnaire, Alexandre Nevski, sur la guerre qui va venir contre les barbares de l'Ouest déferlant sur la Russie éternelle.
Et puis il y a cette Ligne Générale, l'Ancien et le Nouveau en V.O. Evacuons d'emblée la question de forme : c'est splendide comme toujours, et - oui, c'est un grand film, de l'art avec un grand A et le sens du Beau. Le problème, c'est que c'est aussi une oeuvre de propagande : et si on peut regarder sans problème les films sur la Révolution, celui-ci pose une difficulté : tourné la veille d'un bouleversement sans précédant dans l'histoire russe, la collectivisation des campagnes - forcée, j'insiste (on n'est pas dans l'Espagne de 1936) - entreprise d'une violence inouïe d'un Etat contre ses propres paysans : au moins 5 millions de morts, au bas mot, dans le Tchernoziom, en Ukraine et Russie méridionale principalement, mais pas seulement.
Or, malgré ce que raconte le film, l'histoire réelle n'est pas celle des gentils paysans pauvres souhaitant ardemment à rejoindre les Kolkhozes contre les méchants koulaks qui les en empêcheraient. C'est donc, au-delà des belles images, un film assez glaçant à voir, peut-être même détestable, en tout cas mensonger et qui est au régime soviétique ce que le Juif Süss est au régime nazi. A voir avec beaucoup de recul.