Celui qui croyait au ciel, celui qui n'y croyait pas.
Terrence Malick, le poète contemplatif du cinéma, a espacé de 20 ans La ligne Rouge de sa dernière oeuvre, Les moissons du ciel. Génie assuré pour certains, arnaqueur prétentieux pour d'autre, il nous livre avec La Ligne Rouge l'un de ses meilleurs films. Sans toutefois oublier son style si caractéristique.
Car La Ligne Rouge est avant tout un film contemplatif. Réflexion intense sur la position de l'homme dans la nature et sur l'ensemble de la guerre, ses acteurs, sa nécessité, son impact. Jamais l'on ne s'ennuie : Malick nous donne toujours matière à réflexion.
Commencée par la douce escapade du soldat Witt à la rencontre des habitants malais ou philippins de ces îles, La Ligne Rouge nous fait pénétrer dans un doux enfer où Malick et sa caméra intimiste fait mourir les hommes les uns après les autres dans nos bras. Et jamais un film sur les horreurs de la guerre ne m'aura autant dégoûté que celui-ci. L'homme se jette dans la violence et la barbarie gratuite comme un animal fou voulant réchapper à son destin. Y réchapper est impossible, il s'agit juste de l'oublier.
Bon soldat, mauvais soldat, lieutenant, première classe, croyant, non croyant, personne ne réchappe à la mort. L'irréductible humiliation de l'homme traqué par sa destiné éclate. L'espérance d'un au-delà, dans sa folie et son incertitude, n'y change rien ; la mort est là, se dressant comme preuve de l'absurdité de la vie. Et pourtant. "Ce qui m'étonne c'est l’Espérance" dit Péguy. Car chaque homme, même enfermé dans un abysse d'horreur, espère ; l'espérance seule le fait poursuivre cette boucherie héroïque jusqu'aux limites de ce que l'homme peut supporter. Chaque homme a un point de rupture, l'action du capitaine Staros le montre, sans l'espérance, celui-ci n'existerait pas : le désespoir serait irrémédiablement immédiat et immuable.
Le propos de Tree of Life et des Moissons du Ciel manque sans doute un petit peu de consistance -en tout cas pour moi - et Malick s'y égare dans des passages contemplatifs un peu longs et étranges. C'est pourquoi je considère La Ligne Rouge comme le meilleur de ses films. Je vous le recommande vivement.
“C’était quelque chose de bien plus profond et, en même temps, de bien plus spontané: une pénétrante harmonie du visible qui, une fois révélée par le poète, demeurait éternelle.” disait Andreï Makine à propos du style. Terrence Malick est un poète qui a du style. Chacun de ses films est une révélation. La Ligne Rouge n'échappe pas à la règle.