La ligne rouge après la trace jaune.
- La ligne rouge -.
Le film de guerre vu par Terrence Malick, lui le réalisateur méticuleux, privilégiant la qualité de ses oeuvres à la quantité, avec à son actif seulement 7 films étalés sur plus de 40 ans de bons et loyaux services.
Je vois ce film pour la seconde fois.
"Des sommets, on ne peut plus que redescendre". - Karine Tuil -
Force est de constater que ce dicton ne se vérifie pas toujours. J'ai mis 10 au premier visionnage et je laisserai 10 au bas du ticket que je poste aujourd'hui car ce film est exceptionnel.
"De l'amour au conflit, au départ on était une famille".
L'histoire s'ouvre sur la question de la vie, des relations humaines et du rapport à la mort, faisant le parallèle entre les peuples sauvages coupées de la civilisation et le monde frénétique dans lequel nous vivons, nous autres petits privilégiés des pays "développés".
Terrence Malick met en évidence un fossé existentiel entre deux mondes, image qu'il conduira avec force et mélancolie tout au long du métrage. D'un côté ces hommes proches de la nature, évoluant en harmonie, de l'autre une société dans laquelle "l'homme seul n'est rien".
Le réalisateur pose ainsi la question du plus "primitif" et du plus "civilisé" de ces deux mondes en tous points divergents.
Le film débute tout juste et déjà la photographie est superbe, riche de paysages, de reliefs, d'océans et de ciels ; parfaite de lumières magnifiques. On est abasourdi du repérage monumental qu'il dut y avoir au préalable du tournage pour arriver à immortaliser dans la bobine ces images à tel point esthétiques et ces idées incroyables, véritables visions prophétiques d'un réalisateur sensationnel.
Terrence Malick a une manière de filmer bien particulière. Il capte de tout petits détails, à priori dispensables, pour caractériser des situations émotionnellement complexes.
Le sol d'une cellule lugubre dans laquelle l'homme se sent isolé à l'image d'un monde vaste mais d'une froideur extrême, la proue d'un navire qui fend l'eau et les remous comme l'avancée inexorable vers l'horreur de la guerre, la flamme d'une bougie qui danse sous une brise légère et sa symbolique de l'espoir.
- La ligne rouge - c'est avant cela l'un des meilleurs castings de tous les temps qui réunit John Travolta, Nick Nolte pour une interprétation surpuissante, Jim Caviezel, Sean Penn, John Cusack, Elias Koteas dans le rôle du capitaine Staros, Adrien Brody, Woody Harrelson et une petite apparition de George Clooney à la fin, tout beau tout propre au milieu du désastre humain.
La caméra dépouille ses personnages et les rend parfaitement attachants, aidée d'une voix off toujours juste qui change de point de vue interne pour traduire avec volupté les sentiments des uns et des autres.
"Plus on s'approche de César plus la peur est grande".
Film de guerre oblige, l'image est dure. Il y a la dureté des ordres intransigeants de la hiérarchie, la dureté de voir un camarade mourir sans pouvoir rien y faire, la débâcle du champ de bataille accentuée par la difficulté d'un terrain inconnu.
La ligne rouge c'est la ligne de front, théâtre des combats impitoyables où le sang des soldats coule en abondance sans que ce soit toujours justifié, c'est la ligne de la rage et de la colère, celle de l'homme, celle d'un monde qui dépasse les limites de l'entendement. Cette ligne rouge, le rouge qui succède à la vilaine trace jaune des fonds de pantalons, de ces hommes morts de peur avant de mourir sous les balles ou les obus.
"il n'y a pas d'autre monde dans lequel tout va s'arranger, il n'y a que celui-ci".
Le récit est majoritairement vu au travers de Witt, petit déserteur américain, pourtant la camera reste objective, préférant montrer la détermination des deux côtés des lignes et les dommages d'une guerre sans merci aux conséquences terribles, avec certaines scènes millimétrées particulièrement déstabilisantes.
- La ligne rouge - est un film exceptionnel, avec des images exceptionnelles, des interprétations exceptionnelles, une bo superbe. Une parfaite maîtrise de ce qu'est vraiment le septième art.