La nature est un temple, où de vivants piliers - Laissent parfois sortir de confuses paroles

Ca fait un petit moment que je m'interroge. Comment écrire cette put*in de critique ? Quel angle utiliser ? Comment analyser, décrypter, expliquer la poésie de cette œuvre ? Oui comment ? A trop vouloir comprendre et expliquer la poésie on en perd le charme. A ne pas vouloir se laisser porter, sa nature nous fuit. Comment ne pas perdre la magie des mots, de leur chant, de leurs sonorités, de leur rythme ? Et celles des images, de leurs couleurs, de leurs tons et de leurs lumières ? Comment dévoiler le sens, la signification sans perdre le mystère ? Il est bien là le problème. A trop vouloir rationaliser ce film on en perd la saveur. Je vais tenter malgré tout de le faire (Je suis un dingue moi, mon gars ! Tu sais pas à qui t'as à faire ! ^^). Me limiter à l'essentiel et à quelques questions soulevées.

Ce film n'est pas un film de guerre. Certes vous aurez des scènes d'actions où les balles fusent, des blessés et des morts. Certes vous suivrez l'évolution de ces soldats à travers les herbes hautes et vous tremblerez avec eux. Mais ce film est avant tout un poème philosophique magnifiquement réalisé. L'immersivité de la caméra dans les scènes d'action (et ce sans ShakyCam, comme quoi avec le talent tout est possible) n'a d'égal que la beauté des plans contemplatifs de la nature. Un film à part, que vous ne verrez nulle part ailleurs, dans lequel Malick oppose et parallélise sans cesse cette guerre et la nature dans laquelle elle se déroule. Un film choral où les voix-offs, accès aux pensées intimes des personnages, se multiplient et se mêlent dans une polyphonie complexe et envoutante. Ce film nous raconte tout autant l'impact de l'Homme et de cette guerre sur la Nature que l'indifférence de cette dernière face à la guerre que se livre les hommes. Ce n'est pas un fondamentalement un film anti-guerre. La guerre fait somme toute partie intégrante de la Nature, elle même en conflit constant "Quelle est cette guerre au cœur de la nature ? Pourquoi elle rivalise avec elle-même ? Pourquoi la terre affronte-t-elle la mer ? La nature renfermerait-elle une force vengeresse ? Non pas une mais deux ?". La guerre des hommes est-elle si différente ? L'homme s'est-il finalement sorti de l'Etat de nature cher à Rousseau ? Et cet Etat de nature est-il forcément "bon" ?

Le seul problème de ce type d’œuvre c'est qu'elle peut parfois s'avérer trop complexe ou indigeste. Et j'avoue que Malick abuse parfois trop à mon goût de ces voix-offs. J'ai eu du mal à comprendre pourquoi celles-ci me dérangeaient. Habituellement les voix-offs est un outil que j'ai plutôt tendance à apprécier. C'est alors que je me suis rendu compte de deux choses. La première c'est que souvent la voix-off est un outil descriptif, la voix du narrateur pour introduire les éléments de l'histoire et non la manifestation de ses pensées. Et la 2è, c'est que lorsqu'elle est manifestation de ses pensées ce n'est souvent que ponctuel dans le récit. Or ici Malick ne l'utilise que sous cette forme. Il est difficile de donner une voix à nos pensées. Une pensée ne fait pas forcément intervenir le langage mais plutôt des concepts, des "images mentales" et elle s'égare parfois ou s'éclate dans une multitude de direction. Choisir le moindre mot de ces voix-offs pour coller au plus près de l'idée est une rationalisation, une mise en forme qui ne se fait qu'à la verbalisation ou à la rédaction. Il y a donc un côté surnaturel de ces voix-offs, mais tout à fait compréhensible compte tenu de leur rôle, souligné d'autant plus par leur forte présence. Il faudrait presque mettre le film sur pause à la fin de chaque monologue intérieur pour prendre le temps de bien intégrer les concepts dans leurs moindres détails. Un film n'est pas un livre. Je n'aime pas faire pause au milieu (et au cinéma je n'aurais de toutes façons pas le choix) comme je pourrais poser un livre, réfléchir et reprendre ma lecture. Peut être que plus de naturel, moins d'emphase dans ces questionnements et réflexions aurait permis à ce film d'atteindre une dimension encore supérieure.

En conclusion : Malick mélange ici les genres avec une maestria grandiose et malgré ce petit "défaut" des voix-offs nous offre une expérience rare. C'est pour ça que nous aimons l'art et le cinéma. C'est pour vivre ce genre d'expérience, alors ne boudons pas notre plaisir, nous avons à faire ici à un très grand film, peut être même à un chef-d’œuvre.

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le 23 avr. 2014

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ghyom

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