Celui qui sauve une vie sauve l'humanité entière

Vu il y a plus de dix ans, j'en gardais un bon souvenir sans avoir été totalement conquis. Un regard adulte était probablement nécessaire pour apprécier dans toute son ampleur l'œuvre la plus admirée, la plus respectée de Steven Spielberg, mais sans aucun doute aussi la plus controversée. Pourtant, et même si l'on ne peut qu'avoir en mémoire la charge lancée par Claude Lanzmann (choix de montrer la Shoah du « point de vue » allemand ou de décrire ce qu'il considère « indicible »), celle-ci paraît aujourd'hui bien vaine tant l'approche du réalisateur à la casquette se défend totalement (comme celle de Lanzmann en son temps, d'ailleurs). Mais parlons de l'œuvre : car « La Liste de Schindler », c'est avant tout un très beau film, trois heures de cinéma d'une maîtrise totale, subtil point d'équilibre entre approche intimiste, d' « auteur », et « spectacle » grand public.


Alors j'ai bien conscience qu'en écrivant « spectacle », je peux en heurter certains. J'utilise ce mot au sens d'œuvre de fiction, où l'on ne peut qu'être admiratif de la reconstitution des camps, du quotidien, notre intérêt pour les personnages étant constant du début à la fin. Finalement assez peu d' « action », mais d'autant mieux mis en valeur que celle-ci est saisissante, ces pogroms d'une violence inouïe étant décrits avec un réalisme faisant froid dans le dos. Et puis il y a ce « héros », Oskar Schindler : mine de rien ambigu dans son attitude (du moins une longue partie de l' œuvre), celui-ci est admirablement filmé par Spielberg, à l'image d'un superbe travail sur la lumière lui donnant constamment une part d'ombre, de mystère à laquelle Liam Neeson contribue pleinement.


Mais celui qui restera probablement dans les mémoires, c'est Ralph Fiennes. Si un léger tic de prononciation m'interroge (volontaire ou pas ? J'imagine que oui), il n'en est pas moins glaçant dans ce rôle abject et pourtant plus complexe qu'on ne pourrait l'imaginer. Dernières minutes très émouvantes


(les remords de Schindler : yeux embués garantis),


concluant avec beaucoup de force un récit déjà chargé en émotions, où le cinéaste a l'habileté de se montrer étonnamment discret dans l'utilisation de la musique (bon, sur la fin sa nature « violoneuse » reprend clairement le dessus, mais bon, ça ne m'a pas dérangé) : 195 minutes de vrai, beau cinéma, et sans aucun doute LE titre de référence sur la question de l'Holocauste sur grand écran. Merci, M. Spielberg.

Créée

le 11 mars 2018

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Caine78

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