Une œuvre à Oskar
Ce film multi-oscarisé traite de l’œuvre d’Oskar, homme contrasté qui finit par sauver la vie de plusieurs centaines de juifs de la solution finale échafaudée par la sauvagerie nazie. Et c’est le...
Par
le 23 mars 2018
66 j'aime
22
Film coup de poing, chef d'œuvre de Steven Spielberg, film – personnel – de Spielberg, etc etc … Je ne ferai pas exception au concert – quasi – unanime de louanges à tous les niveaux.
Mais il faut bien resituer ce film et pour cela, il peut être utile de lire le livre "Schindlers Ark" de Thomas Keneally paru en 1982. Ce roman fut le résultat d'une rencontre fortuite en 1980 de Keneally dans le magasin de Leopold Pfefferberg à Beverly Hills. Cet homme, un ancien "Schindlerjude", avait, depuis plusieurs années, à cœur de faire connaître l'histoire d'Oskar Schindler.
Ce livre ne se veut pas être une histoire de la Shoah mais "simplement" l'histoire très documentée de la vie d'un industriel encarté au parti nazi qui profita des années de guerre pour faire prospérer ses affaires. Il sauva plus d'un millier de juifs polonais en les faisant travailler dans ses usines situées dans des camps de concentration. Spielberg s'inspira du roman de Kennealy et simplifia bien des détails tout en conservant l'essentiel de l'histoire.
Spielberg va s'attacher tout au long du film à dissocier l'idéologie nazie du nazi lui-même. Dans certains cas, il y a un opportunisme à adhérer à l'idéologie (Schindler mais aussi tous ceux qui acceptent les pots de vins), dans d'autres cas, c'est l'idéologie qui absorbe l'individu pour en faire de véritables monstres quasi mécaniques (Amon Goeth).
Quand on prend un peu de recul, on voit que le portrait de Schindler brossé par Spielberg (conformément au livre) est très ambigu et loin d'être flatteur. Il profite largement du système nazi et fait fortune car la main d'œuvre juive est particulièrement attractive en termes de coûts en ces temps-là… De plus, c'est un jouisseur, doté d'énormes flair et entregent qui lui permettent de manipuler ses interlocuteurs afin de les amener à ses propres vues. Son comptable (Itzhak Stern) que Schindler devine avisé, va vite comprendre qu'en jouant finement la carte de Schindler, il peut mettre à l'abri beaucoup de monde. Entre deux maux, on choisit d'abord celui qui préserve la vie.
À noter que le livre va beaucoup plus loin car Schindler, une fois "l'euphorie" du temps de guerre passé, échoue dans toutes ses entreprises. Ce sont ses Schindlerjuden disséminés dans le monde entier qui finissent par l'aider et le soutenir jusqu'à la fin de sa vie …
Spielberg transcende cette histoire de façon formidable. D'abord ce noir et blanc qui donne une touche de documentaire d'époque et donc d'authenticité. Puis un rythme nerveux avec une caméra très mobile qui part dans tous les sens pour filmer les mouvements désordonnés de foule prise par la panique ou au contraire très champ/contre-champ.
Il joue constamment sur le contraste entre les personnages, le conquérant face à l'esclave, la joyeuse fête face à la mort. Et ça marche car le cœur (ou l'estomac, je ne sais pas) du spectateur se serre à l'approche de certaines scènes où la peur panique s'inscrit sur les visages tandis que la Mort (Amon Goeth, par exemple) rôde à proximité. En parfait metteur en scène, Spielberg suggère plus qu'il ne montre. Il joue avec l'attente d'une nouvelle monstruosité qui, par chance, ce jour-là, ne se produira pas ou, par malheur, se produira. Et c'est efficace.
La fameuse séquence de la douche à Auschwitz (décrite en détail dans le livre) n'est ici qu'un symbole de cette incertitude permanente et insupportable de l'avenir immédiat de l'individu pris dans les griffes du pouvoir nazi.
Je ne compte plus les scènes bouleversantes dont la plus belle est peut-être, le kaddish récité par le rabbin après l'annonce de la fin de la guerre. Le retour de la couleur à la fin du film ainsi que le lent passage devant la tombe de Schindler des vrais survivants sont chargés de tellement de symboles et font tellement de bien …
D'un point de vue musical, le film baigne dans une musique composée par John Williams avec le violoniste Itzhak Perlman. La musique s'inspire régulièrement du Klezmer …
Pour finir, l'interprétation des personnages est très réussie. Liam Neeson, volontairement choisi parce que pas très connu, voit sa carrière décoller à la suite de ce film. Ben Kingsley, qu'on ne présente plus, est bouleversant dans le rôle du comptable quand il brandit la liste : Cette liste c'est le bien absolu, cette liste c'est la vie. Tout autour de ces marges, il y a le gouffre.
C'est un des premiers rôles au cinéma de Ralph Fiennes dans le personnage psychopathe ou sadique de l'officier SS Amon Goeth. Diablement et épouvantablement convaincant !
En bref, film qui me fait toujours froid dans le dos à chaque visionnage.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Films de guerre - Vingtième siècle, Adaptations au cinéma de livres que j'ai lus et Films historiques
Créée
le 22 août 2023
Critique lue 160 fois
11 j'aime
5 commentaires
D'autres avis sur La Liste de Schindler
Ce film multi-oscarisé traite de l’œuvre d’Oskar, homme contrasté qui finit par sauver la vie de plusieurs centaines de juifs de la solution finale échafaudée par la sauvagerie nazie. Et c’est le...
Par
le 23 mars 2018
66 j'aime
22
Steven(*) est gentil. Très gentil. Tout le monde le sait, alors quand il fait un film, le film est gentil aussi. Mais cette fois, Steven en a marre de cette image qui lui colle à la peau. Fini les...
Par
le 23 mars 2014
56 j'aime
8
En revoyant Shindler's list 11 ans après ma découverte à la télé, je comprends mieux le discours de Terry Gilliam autour du film: Spielberg semble passer outre l'horreur qu'était vraiment...
Par
le 24 janv. 2012
45 j'aime
67
Du même critique
Au départ de cette aventure, il y a un roman écrit par la romancière R.A. Dick en 1945 "le Fantôme et Mrs Muir". Peu après, Mankiewicz s'empare du sujet pour en faire un film. Le film reste très...
Par
le 23 avr. 2022
25 j'aime
9
1959 c'est l'année de "125 rue Montmartre" de Grangier mais aussi des "400 coups" du sieur Truffaut qui dégoisait tant et plus sur le cinéma à la Grangier dans les "Cahiers". En attendant, quelques...
Par
le 13 nov. 2021
24 j'aime
5
"La Mort aux trousses", c'est le film mythique, aux nombreuses scènes cultissimes. C'est le film qu'on voit à 14 ou 15 ans au cinéma ou à la télé et dont on sort très impressionné : vingt ou quarante...
Par
le 3 nov. 2021
23 j'aime
19