Il ne l'a pas volé, son prix d'interprétation, le grand Vincent.
Son discours, à la remise de ce prix, m'avait filé des frissons et les larmes aux yeux : on y voyait déborder la sincérité, l'authenticité et la modestie de cet immense acteur qui me bouleverse à chacune de ses apparitions.
Son rôle (mais en est-il vraiment un ?) de Thierry lui colle tant à la peau qu'on le dirait cousu sur lui. Ce film (mais en est-il vraiment un quand on sait que la plupart des acteurs sont non-professionnels?) ressemble fort à un documentaire, dans le réalisme social qu'il décrit et dans son absence totale de chichis, sa complète sobriété esthétique.
Stéphane Brizé ne donne jamais dans la légèreté, le discours vide, ses films portent à chaque fois de puissants messages sociétaux, familiaux - humains. Qu'il s'attache au lent déploiement du sentiment amoureux (Je ne suis pas là pour être aimé), aux relations filiales face à la maladie (Quelques heures de printemps, que je dois absolument voir) ou, ici à cette machine à broyer des individus en difficulté que représente parfois l'entreprise et son ambiance de suspicion généralisée : chaque fois, il livre des instants d'humanité prodigieux et d'une justesse incomparable.
J'aime cette caméra qui tremble un peu, cette façon de filmer Lindon de profil ou légèrement en arrière de lui, pour mieux cerner la direction de son regard - gêné, pudique, tendre ... Mention spéciale à la scène de l'entretien sur Skype et à celle de la formation en groupe, où Thierry essuie les commentaires désobligeants des autres, qu'il accueille avec une douceur triste et résignée qui moi, m'a énormément touchée (et fait beaucoup de peine).
Partout, on sent l'empathie immense de ce réalisateur pour les acteurs qu'il fait tourner : c'est sans doute là la très belle vérité de ce cinéma social totalement renversant.