La Loi du marché ne peut pas laisser indifférent. Sa justesse quant à la peinture de la société est une chose rarement atteinte. La condition des chômeurs persévérants est montrée telle quelle, sans rien n'y changer. Est-ce pour autant un film engagé ? Certainement pas. Rien n'est dénoncé ici. La caméra du réalisateur ne pointe du doigt ni le gérant du supermarché ni une classe supérieure. La caméra expose les faits simplement. Un cinéma réalisme n'est pas un cinéma engagé, bien au contraire : le film engagé opère des simplifications, désigne le coupable tandis que le film réaliste refuse un tel manichéisme. La Loi du marché est de ces derniers : la faute est rejetée sur cette fameuse "loi" (en rouge sur l'affiche), sorte d'instance impersonnelle, créée par chacun donc par personne. Il en ressort quelque chose de singulier : les enjeux du film ne font pas vrai, ils sont vrais. Quand ces gens sont pris en flagrant délit de vol, l'enjeu est réel. Les personnages n'en sont pas, ils vivent réellement à l'écran et nous sommes avec eux dans la pièce. Vincent Lindon l'agent de sécurité hésite à appeler la police face à un vieil homme visiblement sans le sou incapable de régler : c'est la loi par son intermédiaire qui tranchera : "Bon, benh c'est le 17 alors". Une certaine idée de fatalité, oui, se dégage de ce film. Mais malgré tout, quelques passages éclairent l'histoire, comme ce cours de rock, ou cette fête de départ à la retraite d'une employée. Et c'est bien cela qui interdit de parler de film "misérabiliste".