J'aime de plus en plus le cinéma italien. Mes dernières incursions dans ce cinéma ont toutes été des bonnes surprises et j'ai toujours passé de bons, voire de très bons moments. A tel point que je cherche, dernièrement, à approfondir mes connaissances sur ce pan de cinéphilie. Mais par où commencer ? Car, si leur nombre a petit à petit décliné ces dernières décennies, les productions italiens, notamment dans les années 60 et 70 sont pléthores.
Après en avoir lu une jolie critique sur le site de Revus et Corrigés (ici-même : https://revusetcorriges.com/2019/08/01/corruption-meurtre-et-soleil-de-plomb-dans-la-mafia-fait-la-loi-1968/), j'ai décidé de poursuivre mon exploration italienne avec La Mafia fait la loi (pourquoi 2 F dans le vieux titre français ??), de Damiano Damiani. Un film de mafia, avec la magnifique Claudia Cardinale, et un Franco Nero dont je suis tout à fait tombé sous le charme.
La Mafia fait la loi commence par une scène de meurtre. Au détour d'un virage d'une route de la campagne sicilienne, Colasberna, patron du BTP, est abattu. L'officier Bellodi (le beau Franco Nero) est chargé de l'enquête, et va vite rencontrer Rosa Nicolosi (la belle Claudia Cardinale), dont la maison se situe à quelques centaines de mètres de la scène de crime. Hors, son mari a disparu, et elle se mure dans le silence, arguant qu'elle n'a rien vu de tout ce qu'il s'est passé. Alors, il ne reste que la ténacité et la filouterie de l'officier pour faire parler tous les muets.
Car Il giorno della civetta, dans son titre original, dresse un portrait sans concession de la société sicilienne, une société de collabos et de petits magouilleurs, tous asservis à la bonne volonté du parrain local, Don Mariano, incarné par le charisme de Lee J. Cobb. Tout ne se passe dans cette petite ville, que par et pour la volonté de ce seigneur féodal. Autour du capo gravitent une galerie de sale gueules, sous-chefs, hommes de mains, aussi glissants que des anguilles, aussi muets que des carpes. Parmi eux, le traître Parineddu (incarné par un Serge Reggiani semble-t-il abonné à ces rôles), peureux et veul, l'assassin Zechinetta, exhubérant et mielleux, et l'entrepreneur Pizzuco, médiocre et violent.
Au milieu de ces vautours, Rosa est le seul personnage lumineux. Car si Bellodi se bat pour faire tomber le parrain, ses méthodes sont quasi mafieuses et cette ambition semble plus motivée par un désir de se mesurer à plus grand que lui, dans un concours puéril de taille d'engin, que par la volonté de faire le bien. Rosa, elle, n'est motivée que par la protection de sa famille, de sa fille, et d'un mari, qu'elle aimerait croire encore vivant. Son acte final, celui de prendre parti pour la vérité, face à la pression des capi, la rend d'autant plus lumineuse.
Dans son traitement de la mafia, Damiano Damiani anticipe presque, 3 ans auparavant, le codex du film de mafia, qu'est Le Parrain. Car, si chez Damiani, la mafia et son fonctionnement n'est qu'effleurée, avec quelques personnages caricaturaux (des gueules, un peu comme dans les western spaghettis), la figure du capo et l'identité sonore par Giovanni Fusco, avec des grandes similitudes mélodiques entre les deux films (Nino Rota, petit malin) rappelle avec force le chef d'oeuvre de Coppola, comme un préquel.
Sous un soleil de plomb, qui inonde la pellicule, et qui paradoxalement devrait mettre tout en lumière, là où tout est caché, tout est dans l'ombre, Damiano Damiani brocarde surtout les travers de la société italienne. Deux décennies après la fin du fascisme, il montre les traces de lâcheté et d'idéologie qu'il reste chez les hommes et les femmes : la veulerie et le suivi aveugle de leader auto-proclamé, le code d'honneur qui les pousse à ostraciser une femme sur des accusations d'adultères (créées pour discréditer la parole), le favoritisme et le clientélisme.
La fin, plus que pessimiste, de La Mafia fait la loi, dénonce la lutte sans fin contre la mafia, cette pieuvre (cette hydre, plutôt, car pour chaque tête abattu, elle repousse) qui est si bien infiltrée dans les sphères de pouvoir qu'elle est inattaquable. Damiani préfigure, dans ce film, les 40 années de combat vain de l'Italie contre ces parasites, contre lequel aucun traitement ne semble fonctionner.