Lentement mais sûrement Paolo Sorrentino est peut-être en train de devenir le réalisateur que j'exècre le plus. Non pas qu'il soit le plus mauvais, car il maîtrise techniquement son affaire, on peut même dire qu'il a le don pour l'esthétisme du plan. Mais pour quel résultat ? Et cette faculté ne serait-elle pas l'un des nombreux éléments qui gangrènent dorénavant son cinéma, un paravent, un peigne pour les chauves ?
Car chez lui tout n'est que boursouflure, performance, le changement de ton par la mise en scène n'existe pas puisque tout est climax visuel. Si je devais résumer son langage cinématographique en un mot je choisirais vulgarité. Alors forcément cela fait sens quand il s'agit de parler de Berlusconi, mais à rebours on peut se demander si sous la critique apparente ne se cachait pas en réalité une fascination sincère et primaire. Quand on dénonce quelque chose en employant systématiquement les mêmes méthodes, quand le vulgaire est traduit en images et en paroles par du vulgaire on peut se poser quelques questions : est-ce opérant, et même n'est-on pas dans l'aveu de sa propre pensée ?
"La grande bellezza" m'avait à la fois questionné et fasciné, au minimum alerté, cette fois la fascination relative a totalement disparu, laissant place à de l'agacement, pour ne pas dire de l’écœurement. Même quand il s'agit de travailler un récit fortement autobiographique et douloureux le Paolo ne peut s'empêcher d'y faire le malin, d'être en permanence dans la surenchère, que ce soit dans le fond ou dans la forme, le plus flagrant étant dans la façon dont il regarde ses personnages. Car avec lui même un être complexe, fragile, qui pourrait être beau, est immédiatement réduit à l'état de chose, d'objet de désir, de fascination morbide ou de moquerie, tel un freak exposé au pied d'une roulotte.
Mais ne vous en faites pas avec Paolo votre œil n'aura pas à supporter la vision prolongée de ces corps déformés, abimés, ils seront vite zappés pour passer à du rutilant, les plans seront plus que brefs, les mouvements de caméra incessants, le montage épileptique, autre arme de celui qui veut coller aux standards modernes.
Durant mes dernières expériences avec Sorrentino je n'ai cessé de penser aux cinéastes qu'il croit bon de convoquer, comme des cautions, ici les Zeffirelli, Fellini, Rossellini. Mais il ne suffit pas de se transporter à Stromboli pour faire illusion Monsieur l'illusionniste, ces noms resteront parce qu'ils avaient compris l'art subtil du septième qui marque à jamais, le mariage du flamboyant et du subtil, du signifiant et de la nuance, de la rupture de ton et de rythme, de la distance... Toutes ces choses qui vous échappent totalement et qui font qu'un jour une bonne partie de votre filmographie * sera remise à la place qu'elle mérite : celle de l'anecdotique et de la mode qui par définition se démode.
Pour conclure je vais extraire une scène dans laquelle Sorrentino dit finalement tout, qui confirme ce que j'ai pensé durant tout le film, et pas que durant celui-ci : son double adolescent s'entend dire que pour faire du cinéma il faut avoir des couilles. Pas de cœur, pas de cerveau, pas d'estomac, non, simplement des c... Tout est dit, et c'est probablement pour ça qu'on se retrouve à faire du cinéma comme on faisait de la télévision aux heures glorieuses de La Cinq.