Tout comme Youth, La main de Dieu jouit d’une belle enveloppe mais souffre du vide qui la compose. Un corps dénué d’âme.
Sorrentino nous offre deux heures de plans sublimes. Tant sublime que même les corps disgracieux, du fait de l’érosion de l’âge, paraissent retrouver leur jeunesse d’antan. Tant sublime que l’on rêverait d’habiter au moins visiter Naples et ses alentours. On ressent toute l’affection du réalisateur pour cette ville tant il la magnifie avec sa caméra. Les rues respirent la chaleur de la méditerranée aussi bien le jour que la nuit. Les bâtiments d’une nuance jaunâtre teinté par le rouge orangé des tuiles colorent la narration telle une peinture impressionniste. Les napolitains qui vivent en parfaite harmonie dans cet environnement. Etc.
Malgré son esquisse le film peine à être pertinent tant ce qu’il nous raconte est confus et lacunaire. Certes il s’agit d’une autobiographie – ce qui n’est pas un inconvénient car un auteur inclut toujours un part de sa personne dans ses ouvrages, Polanski et Céline en tête de liste – mais qu’essaye donc Sorrentino de nous raconter ? Car je trouve le résultat tout à fait fouillis, comme s’il avait agencé des moments de son adolescence à tour de rôle en se disant que ça suffirait pour en faire une histoire. Mais pour dire quoi ? Pour nous parler de ses parents ? Pour nous parler de son fantasme pour sa tante ? Pour nous parler de l’art de vivre napolitain ? Pour nous parler de sa relation avec son frère ? Pour nous parler de football ? Pour nous parler d’un contrebandier ? Pour nous parler de cinéma ? etc.
Car à force de vouloir parler de tout, il ne parle finalement de rien. On a juste l’impression qu’il veut réaliser des jolies plans plus que de vouloir développer ses personnages. Car entendons-nous bien, aborder autant de sujets n’est pas une mince affaire. Comment en deux heures est-il possible de traiter de son affection pour sa famille, la mort, le deuil, le rejet, la frustration, l’amour, la curiosité, la création, l’art ou encore le sexe sans jamais ne faire qu’effleurer leur surface ?
En tout cas, Sorrentino n’y parvient pas. Son film s’éternise à coups de plans - superbes par ailleurs – sans fil conducteur. De ce que j’ai pu comprendre du film, le protagoniste principal voudrait faire du cinéma afin de fuir l’abject du réel. Pour autant le réalisateur ne cesse jamais de magnifier la réalité de son film, rendant la vie à Naples au contraire extrêmement sublime. On pourrait alors me rétorquer que c’est l’objectif et non pas un exercice de style. Mais ayant vu d’autres métrages du monsieur, je ne peux qu’être dubitatif face à cet argument. Car toute la batterie de personnages qui l’entourent lui disent « passe à autre chose mon gars, la vie est belle, vas t’amuser ! », que ça soit son frère, sa tante ou la baronne du dessus. Et c'est ce que va - sans ironie - faire notre héro.
Mais ce qui est d’autant plus cocasse, c’est sa rencontre avec un cinéaste qui lui dira qu’il faut souffrir pour dire, pour montrer, pour écrire, pour créer. Cet aphorisme peut s’entendre mais à condition que le réalisateur ait su développer un tant soit peu son personnage. En effet, je n’ai pas eu d'empathie à la mort de ses parents, je ne saurai exprimer la raison précise, certainement la mise en scène ou les réactions des divers protagonistes qui n’ont pas réveillé d’émotions précises chez moi. A cela il faudrait ajouter la fameuse passion pour le cinéma du personnage qui n’est jamais réellement traitée. Il regarde un film et va au théâtre deux fois, ça nous donne dix minutes sur deux heures.
D’ailleurs il semble davantage intéressé par les femmes que par le cinéma. Cela n’est que confirmé par ses visites récurrentes au théâtre uniquement pour voir une fille, ses regards sur de nombreuses femmes dont sa tante, la soeur du contrebandier, une fille dans une salle d’attente ou alors son hébétement devant un mur de photo de diverses prétendantes à un rôle pour un film de Fellini. Et là encore, on pourrait me dire « c’est un adolescent » et je dirais « oui mais de quoi parle le film ? » car encore une fois le réalisateur s’égare à vouloir traiter trop de sujet. Je dois dire que son attirance envers sa tante me semblait être le thème du film – et j’aurais adoré – mais il n’en n’est rien. Cela est anecdotique comme tout le reste finalement. Nous sommes face à une succession d’anecdotes qui se gênent plus qu’elles ne tissent un récit cohérent et appréciable.
Le film aurait largement gagné en lisibilité s’il s’était contenté de moins de sujets.