Une poignée de main chaleureuse
Suite au succès de films comme The Chinese Boxer (69) ou The Big Boss (71), le cinéma de Hong Kong se lance dans une production effrénée de films de Kung Fu. La Shaw Brothers avait, avec le film de Wang Yu, su anticiper la nouvelle tendance mais s'était fait dépasser suite au départ subséquent de la star et l'incapacité du studio à récupérer Bruce Lee. La contre attaque n'allait cependant pas tarder... Des productions très ambitieuses comme Vengeance ! ou The Boxer From Shantung, confiées pour la plupart à Chang Cheh, le réalisateur de films d'action maisons de la Shaw, sont mises en place et permettent à la Shaw Brothers de retrouver les premiers rangs dans le domaine du film de Kung Fu. Mais la société de Run Run Shaw a aussi produit des longs métrages aux budgets plus modestes. Parmi ceux-ci, La Main de Fer est probablement le plus célèbre. Le film a le privilège d'avoir été le premier film de Kung Fu à connaître un succès international, cela avant que le petit dragon ne vienne consacrer définitivement le genre sur la scène mondiale.
Budget modeste oblige, le film ne présente pas un casting particulièrement prestigieux. Seul Lo Lieh, dans le premier rôle, peut prétendre à une certaine gloire. L'équipe technique n'est pas spécialement connue non plus mais a d'indéniables capacités. Jeong Chang Hwa, le réalisateur, avait déjà prouvé sa valeur dans son pays natal et était vu comme un des metteurs en scène les plus prometteurs en activité à Hong Kong. Son chorégraphe, Lau Kar Wing, est encore en progression à l'époque mais confirmera son excellence quelques années plus tard avec des films comme Odd Couple ou Treasure Hunter.
Pourtant, malgré un générique seventies très prometteur, le début de King Boxer tient de la douche froide ! Les séquences de Kung Fu regroupent tous les défauts du début des années 70 : Des acteurs non pratiquants, des styles martiaux peu affirmés, des chorégraphies au rythme maladroit et aux gestes peu précis, des astuces de montage voyantes... Ajouté à cela, une intrigue honnêtement menée mais n'évitant pas certaines lourdeurs (le traitement de l'histoire d'amour entre Lo Lieh et Wang Ping ou le bon vieux racisme anti Japonais, typique de l'époque) et la réputation d'œuvre culte de La Main de Fer en prend un sacré coup.
Ces éléments sont d'ailleurs emblématiques des films de Kung Fu de la Shaw durant cette période. Les œuvres majeures du studio dans le domaine valent essentiellement pour leurs cotés jusqu'au boutiste et la glorification de la violence (instituée par Chang Cheh) plutôt que pour les prestations martiales de leurs interprètes.
Pourtant, Jeong n'a rien d'un manchot et, au fur et à mesure, que le film progresse, il déploie, à sa façon, une gamme de petits gimmicks qui font passer King Boxer d'un film de Kung Fu de série à une petite réussite du genre, foncièrement fun. Un peu comme le Street Fighter de Sonny Chiba, l'élément qui marque le plus, c'est l'utilisation de la violence, mais d'une façon différente de l'ogre de la Shaw Brothers. Jets de sang, destructions de murs ou d'arbres, voire même des mutilations grand guignolesques : La Main de Fer a toutes les caractéristiques d'une adaptation de manga, bien avant que ce type d'exercice devienne populaire. Et le pire, c'est que ça marche ! Les affrontements, pas forcément excitants en soi, prennent une nouvelle dimension grâce à ce déferlement de violence, particulièrement visuel. L'usage que fait Jeong de la musique et des bruitages renforce encore l'effet. Le plus mémorable, c'est, sans le moindre doute, le bruit de sirène qui accompagne systématiquement l'utilisation de la technique de la main de fer. Cet effet marquera tellement qu'un certain Quentin Tarentino le reprendra pour son Kill Bill. La musique, délicieusement seventies, appuie encore davantage le coté fun du film.
Les personnages bien typés s'avèrent, eux aussi, très appréciables. Le maître de Kung Fu interprété par un Tin Fung superbement fourbe ou bien l'artiste martial adeptes des coups de boules (inspiration Coréenne, dixit le réalisateur lui-même) renforcent encore le capital sympathie que le film est parvenu à accumuler.
La Main de Fer n'est certainement pas le chef d'œuvre que sa réputation pouvait laisser croire. Il s'agit avant tout d'une production de Kung Fu typique de la Shaw Brothers au début des années 70, avec tous les défauts que ça implique. Mais, ses nombreuses petites touches bis en font un de ces délicieux plaisirs coupable auquel on finit toujours par revenir pour passer un bon moment.