Auréolé de ses deux Palmes d'or cannoises, le réalisateur danois Bille August répond aux sirènes hollywoodiennes en 1994, adaptant le best-seller mondial de la chilienne Isabel Allende, "The House of the Spirits", une grande saga familiale depuis la période post-coloniale jusqu'au coup d'état de 1973. La romancière est une parente du Président de la République du Chili, Salvador Allende, élu en 1970 et renversé par la dictature militaire trois ans plus tard.
Doté d'un budget très confortable et d'une distribution prestigieuse, Bille August signe un film ambitieux mais terriblement inégal, où la faute de goût n'est jamais bien loin.
Toute la première partie est d'ailleurs plombée par un gros problème de casting, à savoir la présence de Meryl Streep, trop âgée pour le rôle, qui manque cruellement de fraîcheur et laisse une impression embarrassante. Lorsque son personnage vieillit, la comédienne s'en sort mieux, mais surtout parce que son rôle devient moins central.
Plus généralement, c'est toute la dimension surnaturelle de l'œuvre qui pose problème, car même si cet aspect n'est pas omniprésent, August ne parvient pas à l'intégrer harmonieusement - ce qui n'était pas évident reconnaissons-le.
Le personnage de Jeremy Irons apparaît plus convaincant : d'abord mineur sans le sou puis grand propriétaire terrien devenu sénateur du parti conservateur, Estéban Trueda est le véritable héros du film, porté par le talent du comédien britannique, et par le travail admirable de l'équipe maquillage, qui gère remarquablement bien son vieillissement.
On appréciera aussi la prestation de Winona Ryder, toujours fraîche et charmante, même si sa bluette avec Antonio Banderas s'avère un peu téléphonée, ce dernier n'apparaissant pas d'une crédibilité à toute épreuve en syndicaliste rebelle.
Quant à Glenn Close, l'actrice anglaise s'investit mais son personnage semble trop souvent à la limite du grotesque. A noter aussi la présence de Vincent Gallo dans un rôle secondaire.
En résumé, "House of the Spirits" constitue une fresque familiale ambitieuse, mais l'ensemble manque de souffle et d'intérêt, comportant trop de longueurs.
Dommage pour la mise en scène enlevée de Bille August, jalonnée de quelques belles trouvailles, à l'image de l'inquiétante apparition des généraux pendant les funérailles.