"La Maison de bambou" est un polar que Samuel Fuller a tourné entièrement au Japon quelques années après la fin de la capitulation du Japon. On est dans un contexte d'occupation américaine où suite au meurtre d'un américain lors d'une attaque de train, un flic de la MP, Eddie, est dépêché sur place pour enquêter et infiltrer un gang dirigé par un autre américain, Sandy. Il se fait aider par une japonaise, Mariko.
Ce film me rappelle toujours la scène de "Pierrot le Fou" de Godard (film que je n'aime pas du tout) où à un moment donné quelqu'un pose une question à Samuel Fuller : qu'est-ce que le cinéma ? Ce à quoi il répond (en substance) : "c'est un champ de bataille : de l'amour, de l'action, de la violence, en bref de l'émotion". Cette réponse m'avait interpellé à l'époque et c'est vrai que beaucoup de films de Samuel Fuller me paraissent aussi inclassables que sa définition le sous-entend, comme par exemple "ordres secrets aux espions nazis".
Ici, le film démarre par une scène d'attaque d'un train militaire traitée presque comme un documentaire avec une voix off. Puis on passe à un film qu'on pourrait croire policier ou même noir avec des scènes d'action et de violence avant de tomber dans une romance entre un américain et une japonaise. Et cette romance prend - presque - le pas sur l'histoire militaro-policière.
Ce que j'ai particulièrement apprécié dans ce film c'est l'émerveillement de la caméra qui découvre pour et avec le spectateur les rues grouillantes de Tokyo avec les couleurs chatoyantes des vêtements, des kimonos féminins notamment, la répétition d'un spectacle de théâtre traditionnel, la visite du parc avec la statue imposante d'un Bouddha et surtout les intérieurs japonais avec les traditionnels tatamis ou les cloisons amovibles.
La photo y est très belle avec le Mont Fuji, omniprésent, qui semble veiller sur la ville. A plusieurs reprises les cadrages de la caméra font apparaître le Mont Fuji à travers une fenêtre ou en arrière plan ou entre deux personnages.
Bien que ça n'apporte rien à l'enquête et encore moins à l'intrigue, cette belle mise en scène met le spectateur dans une certaine ambiance qui atténue les actions violentes ou en tous cas qui les relativise.
Le casting repose sur trois personnages.
Eddie est le flic de la Military Police, interprété par un Robert Stack qui, au début; joue le rôle, infect, de l'amerlo qui se croit tout permis à l'étranger. On comprend vite que c'est pour mieux infiltrer le Milieu.
Sandy, c'est le chef du gang qui écume Tokyo. Il est interprété par Robert Ryan qui a un comportement assez trouble face à Eddie et à ses hommes.
Mariko est interprétée par Yoshiko Otaka. Je ne la connais pas mais elle joue son personnage sur plusieurs registres la rendant fort sympathique et attachante : la timidité puis l'audace puis la pudeur puis la tradition et, bien entendu, l'amour. Une scène qui était partie pour devenir un peu "chaude" est ainsi doucement atténuée par la descente d'un store ad hoc qui tombe entre les deux tatamis occupés par Eddie et Mariko. Je souris en écrivant ça mais je ne crains pas.
Après ce déluge de qualités, il faut bien que j'aborde les défauts du film et en particulier le scénario qui ne m'a pas semblé être finement travaillé. De trop nombreuses invraisemblances ou des imprudences comme le flic infiltré dans le gang qui rend compte ouvertement dans la rue à un autre flic alors que les membres du gang sont à proximité ou comme le gars qui se balade dans la foule revolver à la main sans que personne ne s'en aperçoive et ne s'en émeuve ...
Au final, "La Maison de bambou" est un film bien sympa, que je regarde avec plaisir sans trop me biler pour l'intrigue policière qui finit - presque - par être secondaire.