Julien Darras est un professeur d’université en géologie réputé qui vit dans une petite résidence de campagne, appelée la “Maison des Bories”, en compagnie de sa femme, Isabelle, et de ses deux enfants. Il y fait régner un mode de vie et d’éducation très strict. L’arrivée d’un jeune Allemand, chargé de traduire les écrits scientifiques du chef de famille, va tout bouleverser…
Si quelqu’un venait à demander à une autre personne, quel nom de cinéaste de la Nouvelle Vague lui vient en premier à l’esprit, les chances qu’elle prononce celui de Jacques Doniol-Valcroze sont inexistantes. Et je dois confesser que jusqu’ici, je n'avais jamais vu le moindre de ses films (je l’ai uniquement croisé en tant qu’acteur dans Out 1 de Jacques Rivette !). Maintenant, c’est chose faite.
Ce qui m’a surpris ici dans un premier abord, c’est l’aspect suranné du résultat par rapport à l’époque de sa sortie. Ben oui, on est quand même fraîchement au lendemain de Mai 68. Il était interdit d’interdire. Selon nos grandes têtes pensantes, cracher sur tout semblant d’autorité était un devoir, se comporter comme des sauvages un sacerdoce (inutile de préciser que cela ne s’est pas du tout, mais alors pas du tout, arrangé par la suite !). Et là, on a le droit à une œuvre qui raconte une histoire d’amour platonique, se déroulant dans un milieu bourgeois (attention, vouvoiement de rigueur !) montré sans mépris, avec des personnages ayant de la retenue dans leurs comportements et leurs sentiments.
Certains ou certaines pourront juger cela désuet, dépassé. Moi, j’y ai trouvé beaucoup de charme. Peut-être celui d’un monde un minimum civilisé…
Alors, ce n’est pas sans défauts. La révélation de l’attirance entre le jeune traducteur et la jeune épouse est balancée avec un manque de naturel et de subtilité (il y a besoin de balancer le poncif de je-vous-fixe-pendant-dix-minutes-sans-bouger pour bien souligner combien je suis attirée par vous ?). Et Mathieu Carrière confirme définitivement qu’il est loin d’être l’acteur du siècle, avec son expressivité et ses inflexions de voix qui rejoignent celle d’un bout de bois.
Mais, déjà, niveau interprétation, Marie Dubois (qu’est-ce qu’elle était belle et mon Dieu ses yeux bleus absolument magnifiques !) et Maurice Garrel (incarnant un type rigide à l’extrême, ayant des attitudes et des propos détestables, mais qui parvient malgré tout à être touchant, car on sent qu’il n’est pas irrécupérable !) parviennent à incarner une gamme d’émotions complexes.
En outre, ils sont bien aidés par une écriture et une réalisation fines (sauf pour le contre-exemple cité ci-dessus !), faisant la part belle aussi bien à des moments remarquablement dialogués qu’à des instants contemplatifs, pendant lesquels peuvent s’exprimer le jeu corporel des comédiens en symbiose avec la campagne estivale et sèche de la Haute-Provence ainsi qu'avec Mozart.
Le point d’orgue de l’ensemble est la juxtaposition de plans durant lesquels l’Allemand et l’épouse, chacun allongé sur leur lit, chacun dans leur chambre, donnent l’impression qu’ils sont en train de faire l’amour. Beau morceau de mise en scène, incontestablement (ah, le Concerto n° 21 pour piano de Wolfgang Amadeus, quelle caresse pour l’ouïe !)…
Cela fait du bien de se poser de temps en temps dans une parenthèse de délicatesse. C’est pour cette raison que se réfugier dans cette Maison des Bories est un bon remède.