La maison des perversités (1971) - 江戸川乱歩猟奇館 屋根裏の散歩者 / 76 min
Titre international : Watcher in the Attic
Réalisateur : Noboru Tanaka - 田中登
Acteurs principaux : Junko Miyashita - 宮下順子 ; Renji Ishibashi - 石橋 蓮司 ;
Mots-clefs : Japon ; Erotisme
Le pitch :
En 1923, Lady Minako est la propriétaire d'une pension minable à Tokyo où elle s'adonne à des plaisirs défendus. Goda, un de ses locataires, passe le plus clair de son temps dans le grenier à espionner les autres locataires à travers des trous qu'il a percés dans le plafond. Lors d'une de ses séances de voyeurisme, Goda est témoin du meurtre de l'un des locataires de la main de Lady Minako.
Premières impressions :
Après une grande période thriller, je suis passé depuis cet été dans une période plus érotique en me concentrant sur des films qui traitent du couple, de l'amour et du sexe. Parmi les différentes catégories d'érotismes, j'ai souhaité me pencher un peu plus sur la tradition de films japonais des années 70, dignes héritiers des estampes coquines qu'arrière grand-papa montraient dans l'obscurité de sa garçonnière parisienne.
Tandis qu'aujourd'hui des livres comme "50 shade of grey" dépassent des records de ventes, les années 70 au Japon ont été bercées par la présence à l'écran des "Pinku-eiga", les "romans pornos" commandés par la télévision nationale afin de remonter ses courbes d'audiences. Même si ces productions n'avaient pas beaucoup de budget, elles étaient néanmoins réalisées par des professionnels du cinéma qui laissaient une grande place à l'esthétisme et au scénario, bien loin des gonzo actuels. Vous avez probablement entendu parler de "L'empire des sens" de Nagisa Ôshima, scandaleux par sa pornographie, présentés à Cannes en 1976 et aujourd'hui comme un chef d'œuvre.
Eh bien Watcher in the attic ("le voyeur dans le grenier") nommé en France "la maison des perversités" est un de ces chef-d'œuvre. La réalisation est sublime et n'a rien à envier aux productions classiques. Le scénario est intrigant, il se dévoile au fur et à mesure sans nous ennuyer un seul instant. Noboru Tanaka arrive à donner à son film une ambiance surréaliste qui m'a captivée bien au-delà de ce que je pensais. Malgré le grotesque de certains personnages (lady Minako a une relation avec un clown blanc), l'érotisme est très réussi.
Bien sûr le film n'échappe à la relation morbide qui lie la sexualité, l'érotisme et la souffrance au Japon. Le fantasme japonais aime les perversions et le sadisme envers les femmes, au point d'en avoir fait un art avec le Shibari*, mais Watcher in the Attic est d'autant plus intéressant qu'il inverse la relation traditionnelle. Ici, ce sont les hommes qui sont soumis aux désirs de lady Minako. Elle est une femme qui s'assume, c'est elle, qui décide de ses fantasmes. Tanaka met en scène le plaisir féminin dans toute sa splendeur. Alors que le Japon a une fascination pour les très jeunes filles, ici l'actrice a une trentaine d'années. De là à y voir une forme de féminisme collant bien à l'époque, il n'y a qu'un pas.
J'exhorte tout cinéphile à voir cette œuvre, pour oublier la sensation de dégoût que peut provoquer l'Empire des sens. Sachez que Zootropes films distribue un certains nombre de Pinku dans sa collection "cultes & underground". Je ne sais pas si tous sont aussi bons, mais cela vaut assurément le coup d'œil !
*Le Shibari est l'art de maitriser les cordes et les nœuds afin de maintenir et humilier son adversaire. Il est aujourd'hui pratiqué comme une sorte de bondage très esthétique (si tant est que l'on trouve une femme saucissonnée esthétique).