Deuxième long-métrage d’HITCHCOCK produit par David O. SELZNICK (après Rebecca), La Maison du docteur Edwardes est l’adaptation du roman éponyme de deux auteurs britanniques : John Leslie PALMER & Hilary St. George SANDERS, publié en 1927. Il s’agit d’un roman mélodramatique et réellement fou dira HITCHCOCK, se situant dans un asile psychiatrique.
Le réalisateur revend les droits du livre à SELZNICK, persuadé que celui-ci sera séduit par un récit mettant en scène la psychanalyse, science des rêves et de l’inconscient qui devient un phénomène de mode à Hollywood. Puis il s’attèle au scénario avec le dramaturge Ben HECHT, qui s’intéresse de près à la science freudienne. Scénario qui sera retouché par SELZNICK avec l’aide de sa thérapeute, May E. ROMM, créditée au générique comme ‘conseillère en psychiatrie’.
Côté distribution, Ingrid BERGMAN – sous contrat avec SELZNICK – est l’une des plus grandes vedettes féminines du moment, notamment depuis son rôle dans Hantise de George CUKOR qui lui vaudra l’Oscar de la meilleure actrice. HITCHCOCK et HECHT sont persuadés qu’elle doit incarner le docteur Constance PETERSEN et parviennent à la convaincre malgré le traitement hollywoodien de la psychanalyse qui transparaît dans le scénario.
Imposé par le producteur, Gregory PECK décroche le rôle masculin, et enchainera un an plus tard avec le western Duel au soleil, également produit par SELZNICK.
Le tournage commence en juin 1944 et le cinéaste sollicite Salvador DALI – en tant que dessinateur – afin de concevoir les scènes de rêve, notamment la séquence qui donne les clés de l’amnésie de John BALLANTYNE (Gregory PECK). La BO est confiée à Miklós RÓZSA, compositeur d’origine hongroise, qui va – entre autres – utiliser un des premiers instruments de musique électronique. Sa partition lui vaudra l’Oscar de la meilleure musique.
Le film sort fin 1945 aux États-Unis et rencontre un succès public immédiat, tandis que la presse américaine est enthousiaste :
Alfred HITCHCOCK maintient sa réputation de créateur de situations excitantes bâties sur un suspense intense / le traitement du récit est extrêmement fin, la texture de la narration, le montage et les dialogues, le choc de l’inattendu, l’image – tout est en place avec bonheur
peut-on lire notamment.
En France, les productions américaines étant invisibles pendant la guerre, le long-métrage sort en 1948 en même temps que Les Enchaînés et souffre de cette coïncidence…
Plutôt considéré comme un film mineur par les hitchcockiens, La Maison du docteur Edwardes est essentiellement une histoire d’amour mélodramatique qui repose sur un usage très simplifié de la psychanalyse. Mais cette histoire d’amour est conçue comme un suspense inquiétant. Les deux moments où Gregory PECK et Ingrid BERGMAN s’embrassent voluptueusement sont lourds d’une menace que la mise en scène accentue. François TRUFFAUT avait bien raison de dire qu’HITCHCOCK filme les scènes d’amour comme des scènes de meurtre (et inversement).