La couleur est annoncée dès les premières images. La caméra défile le long des cadres qui ornent le mur : portraits, photos de mariage, photos d’enfants, tout y passe. En l'espace de quelques secondes nous est déroulé le contenu d'un album photo.
Nous voici dans l’intérieur d’un vieil homme : assis sur son lit, il est seul avec ses souvenirs. Face à lui, une trappe, qu'il ouvrira non sans bruit et avec quelques difficultés. Son pull rouge contraste avec cet intérieur gris, qui lui-même tranche avec le merveilleux bleu qui encercle la maison. Le vieil homme se prépare ensuite pour un repas avec pour seule compagnie des rires qui percent à la radio.
Ce n’est que lorsque l’eau entre dans la maison que la musique commence à épouser l’image. Une musique légère, délicate et douce : un thème collant à merveille à la nostalgie ambiante.
L’expression replonger dans son passé prend ici tout son sens. Aussi profondément il s’enfonce, aussi loin remontons-nous dans sa mémoire. A chaque objet, un souvenir. C'est bien connu, les lieux prennent vie avec les événements qu'ils abritent, ils s'imprègnent de ces moments pour mieux nous les remémorer ensuite. C'est ainsi que toutes les grandes étapes de sa vie défilent devant nos yeux : le passé lumineux s’oppose au morne présent.
Il nagera de trappe en trappe, ces trappes qui souvent nous sont montrées fermées. Comme l'illustration de chaque instant de notre vie qui, au bout d'une seule seconde n'appartient déjà plus au présent. Un présent passé dans lequel on ne pourra jamais revenir.
Et alors que l’eau continue de monter, le vieil homme continuera à faire face. Alors que toutes les maisons environnantes se retrouveront ensevelies, il ne se découragera pas et par vents et marées, il continuera à faire grandir sa maison : toujours plus haut. Toutes ces choses qu'il sauvera équivalent à toutes ces bribes de mémoire que nous tentons de conserver. C'est la lutte de l'être humain contre le temps qui passe : toujours, il accrochera les cadres photos tels quels, mais à l'étage au dessus, comme si rien n'avait changé.
Pourtant, tout change. La base de la maison se retrouve noyée alors que celle-ci grimpe en hauteur : le futur a le passé pour fondations, mais celui-ci est enfoui, comme la partie invisible et pourtant bien présente d’un iceberg. Cette maison en petits cubes est-elle une métaphore du futur ? L'avenir se situerait-il vers le haut, nous élèverait-il ?
Douce mélancolie, doux passé, doux souvenirs. Tout en contrastes et servi par un graphisme et des couleurs de grande qualité, "La maison en petits cubes" est un récit silencieux, touchant et débordant de nostalgie. Il saura convaincre tant par son esthétique que par son propos, teinté d'une grande tristesse mais aussi d'une belle lueur d'espoir.
Qui ne se retrouvera pas dans ce vieil homme qui tente vainement de toucher du doigt son passé sans y parvenir ? Cet homme qui fera d'une absence une présence, et qui boira à sa santé. .