Bon, je préfère faire des critiques positives habituellement, mais ce film me taraude, alors j’use de l’énergie, à bon escient, ça je ne sais pas.
« La maman et la putain » est un film dépeignant la génération des années 1970, après 1968.
On découvre Alexandre (Jean-Pierre Leaud), Marie (Bernadette Lafon) et Veronika (Françoise Lebrun), trois personnages forts attachants, respirant autant la liberté que le suffoquement induit par la torture des sentiments.
Un peu comme les trois personnages, j’ai fini fatiguée. Fatiguée car ces trois heures trente (en toute lettre, c’est important) de dialogues; certes sublimes, longs à souhait, et gorgés de sens, sous un fond de documentaire; attendrissent comme ils fatiguent.
Alexandre fatigue, use l’empathie et la compassion jusqu’à la corde.
J’aime le jeu d’acteur de Jean Pierre Leaud, la gestuelle et ses mimiques dans ce film, c’est ce qui le rend si authentique (il use la même dans Domicile conjugal ou Masculin Féminin bien sûr, assez logique puisque c’est sa manière de jouer), mais là c’est l’overdose (même ses belles mains ne m’ont pas apaisées). Ça me rend presque triste d’écrire cela.
Il joue comme souvent, le beau brun, ténébreux, torturé sur les bords (que dis-je sur tous les bords), narcissique mais bien dosé, juste assez pour qu’il reste attachant, raconteur de farandoles, balbutieur de mots doux, pédant et orgueilleux maaaaais touchant. Et là est le soucis, malgré tous ces défauts, et ce comportement de petit merdeux, et bien, je l’aime bien.
Il déambule dans Paris, comme un joli stéréotype de l’homme attirant qui susurre auprès de ses donzelles des mots doux pour s’assurer qu’il est bien vivant et qu’elles vont rester malgré son comportement de petit enquiquineur de première. Il s’amuse comme un coq en patte, et tant mieux, mais à petite dose !
Vu au cinéma, il s’en est fallu de peu pour que je lâche, malgré moi un : « Get a grip ! », mais ç’aurait fait snob, alors « Réveille toi ou ressaisis toi l’ami !». Il est sympa hein le bel Alexandre, se pose des questions, sur son désir, sur ses sentiments, s’épanche en long, en large et en travers sur sa petite personne, pourquoi ci pourquoi ça, sans vraiment chercher trop à comprendre ses demoiselles, ou faisant mine de, s’amuse à courir entre ces jolis cœurs qui lui vouent une affection inébranlable, sous prétexte que le tourtereau a perdu sa muse, mais merde, c’est chiant. Je suis désolée Jean-Pi, tu es l’amoureux de mon moi petite fille, mais c’est chiant.
Il ne fait rien de ses journées, poireaute avec son ami, lit quelques bouquins en diagonale, critique la politique de son temps, écoute la radio d’une oreille, boit des cafés (beaucoup.. beaucoup trop), gambade énergiquement chaussures aux pieds sur le lit (ça m’a tourneboulé), observe le monde. Je n’ai cependant rien contre l’oisiveté, c’est important.
Et ?
Une heure trente : j’ai la patience de mettre de l’énergie dans la compassion, l’empathie, la sympathie même ou simplement la compréhension d’ailleurs ou encore l’observation.
Deux heures : commence à me pomper l’air cette histoire.
Trois heures : je suffoque.
Quarante dernières minutes : encore !
Heureusement qu’il y a le sublime monologue de Veronika en bouquet final, dont la présence d’esprit et le je-m’en-foutisme m’émerveille.
Là où d’autre trouve le film captivant, je le trouve assez peu émouvant, mise à part quelques scènes qui tourmentent, et merci au jeu de Françoise Lebrun notamment.
Il y a des moments forts, certes, des dialogues qui font sacrément réfléchir, c’est spontané, parfois étonnant, sidérant, mais boh..
Le problème c’est que je n’en suis sortie que peu transcendée, tourmentée certes (peut être est-ce pour cela que je n’arrive pas à complètement détester ce film), j’ai compris que deux femmes souffrent, lui probablement aussi, mais il gambade entre deux lits, butinant le dard dressé entre deux fleurs, se créant de belles histoires dans sa tête, jouant, pour finalement faire son choix, et puis non, oh et puis si, oh et puis mmmmh il y a la putain à la maison, allons lui donner un petit coup de rein, mais juste un petit, rien de bien méchant, juste pour voir si tout fonctionne encore là dessous (sans enlever les chaussures, vous comprenez, il doit courir chez la maman la seconde qui suit). Vous pardonnerez, il est torturé entre deux femmes, qui ne sont pas des laiderons, le choix est cornélien, ça on ne peut lui enlever ! Quant aux babouches/chaussures de zébu en elles-mêmes, je crois qu’elles m’ont fait plus cogiter que le personnage qui les porte.
Le personnage de Françoise Lebrun m’a cependant beaucoup ému, sa désinvolture révèle une profonde désespérance, une profond dégoût de tout, et la manière dont son visage illustre les émotions est fort, très fort.
Le personnage de Bernadette Lafont a sonné distant et assez peu compréhensible, mais ça n’est que mon avis, peut être car elle hésite entre contestation et acceptation.
Trio amoureux, qui reste beau, les 40 minutes de fin existent, fort heureusement. Les scènes à trois sont fortes car puissantes de tendresse et d’osmose, marquées par une résilience certaine. C’est tout de même une jolie description de la difficulté de vivre, d’aimer, empreinte du désir d’expérience.
J’ai aimé, mais pas trop, en fait, j’ai pas aimé, ou aimé, ou pas, ou peu, ou vraiment pas, oh et puis si, il est beau le con, oh et puis non il m’énerve avec son museau de lévrier agitant la queue (c’est pénible hein ?).
Les gigolos (ou rigolos, à votre guise; ou amoureuses/amoureux inconditionnels/les de Léaud) qui pensent peut être que ce que je baragouine, je le fais en grande partie parce que je suis une femme et remplie de sororité, sirupeuse par moment, je vous claque la meilleure des bises, celle où les mandibules s’entrechoquent en un joyeux concert osseux (c’est tout un savoir faire ou savoir être ce genre de convivialités!).