J'ai beaucoup hésité avant de revoir "La Maman et la Putain",
film de Jean Eustache, sorti en 1973.
La crainte de ne plus être en phase avec un film que j'ai pu aimer dans le passé, la longueur de l'aventure (près de 4 h quand même). Puis je me suis à nouveau jeté à l'eau. Et je dois dire que ce cinéma est toujours aussi incandescent (oui, je sais, voici un vocable qui va vite devenir lassant, un peu comme "jubilatoire"). Cela tient sans doute au manque d'artifice revendiqué par le cinéaste, à la qualité des comédiens : Jean-Pierre Léaud : Alexandre, Bernadette Lafont : Marie, et surtout Françoise Lebrun : Veronika Osterwald. Manque d'artifice lié bien sûr aux choix cinématographiques (effets de montage, captations directes...), puisque par ailleurs l'écriture des dialogues, même si elle inscrit une vérité au sens de crudité des expériences vécues, n'en reste pas moins artificielle.
Ecriture justement : j'ai retrouvé au cours de cette 2ème vision - à 40 ans d'intervalle - une même réticence qui concerne la dernière partie du film, le discours amoureux évolue de façon étrange ou plutôt étrangement convenue, ce qui est étonnant puisque que tout ce qui précède ne cesse de souligner son caractère corrosif.
En dehors du caractère excessivement poignant des dernières séquences, je pense que je me suis délecté jusqu'au rire un certain nombre de fois, l'autodérision est souvent manifeste, Jean Eustache parodie jusqu'à plus soif les "mots d'auteur" qu'il a cependant tourné lui-même en ridicule dans son film.
Quelques répliques :
"En ne venant pas hier, vous m'avez permis aujourd'hui de parler de votre absence. Alors que hier je n'avais rien à vous dire."
"- Je crois que vous commencez à me trotter dans la tête.
- J'espère que je n'irai pas trop loin."
"Je n'ai jamais compris les gens qui quittaient les autres.
Je n'ai jamais quitté personne.
C'est pourquoi on me quitte tout le temps. Je crois que le temps qui passe, la vie, font très bien ce travail d'unir ou de séparer les gens.
Moi je ne fais rien.
Je laisse le temps le faire.
Vous ne voulez pas que je fasse le travail de quelqu'un d'autre ?"
"- Vous avez des choses importantes à faire Alexandre ?
Je croyais que vous ne faisiez rien.
- Non, je ne fais rien, mais je vous ai dit, j'ai une vie bien remplie."
"J'ai pensé à vous dans les chiottes.
Il y a un graffiti : "Ma rage d'aimer donne sur la mort comme une fenêtre sur la cour."
Et quelqu'un a écrit en-dessous : "Saute, Narcisse !"