Spoiler : cette critique dévoile certains aspects du film et du roman à l'origine du scénario.
C'est un film de François Truffaut sorti en 1968 que je ne crains pas du tout.
Notamment le jeu glacial de Jeanne Moreau qui interprète le rôle d'une femme irrémédiablement et intimement détruite par l'assassinat de son mari le jour de son mariage. Le jeu des acteurs interprétant les rôles des coupables est très fascinant. Des coupables que leur acte lâche et odieux n'empêche nullement de vivre, bien au contraire. Les rencontres entre veuve et coupables tient de la justice immanente, de la rencontre de ces hommes avec leur mort.
"Vous m'avez pris quelque chose que vous êtes incapables de me rendre" avouera, avec rage, Jeanne Moreau à une de ses cibles en train d'agoniser.
Film symbole construit autour des coupables réunis un jour de beuverie pour "tuer" l'ennui ; chacun de ces hommes est d'un type différent entre le séducteur patenté (Claude Rich), le timide (Michel Bouquet), l'ambitieux (Michael Lonsdale), l'artiste cavaleur (Charles Denner) et le truand (Daniel Boulanger). Comme si finalement ils étaient les différentes facettes d'un même homme.
Cet aspect symbolique est d'ailleurs accentué par le fait que seules les scènes des rencontres entre Jeanne Moreau et les hommes poursuivis sont très bien travaillées d'un point de vue cinématographique. Les scènes intermédiaires sont assez banales, le plus souvent dépourvues de dialogues comme si elles n'avaient pas d'importance. Ce choix de découpage apparait plutôt efficace sur le déroulement du film ménageant un certain suspense.
François Truffaut et la loi du Talion. D'après ce que j'ai lu, il semblerait que Truffait ait regretté d'avoir filmé ce film, après s'être rendu compte de ce que la modification sur le fond du roman (que je ne connais pas) de William Irish impliquait sur le sens donné au film. En effet, dans le roman, il s'avère que les personnes assassinées par la veuve étaient innocentes rendant le film très noir et infiniment désespéré. Tandis que le film que Truffaut a mis en scène pourrait donner à penser qu'il légitime, en quelque sorte, la loi du Talion.
Personnellement, je ne vais pas si loin et préfère en rester aux symboles abstraits développés dans le film entre la pureté du personnage de Jeanne Moreau et l'abjection du comportement de ces hommes de l'autre.
Pour ces derniers, seul Charles Denner comporte une part de culpabilité inconsciente dans sa peinture obsédée par un visage. Préfigurant un autre personnage de la filmographie de Truffaut avec "l'homme qui aimait les femmes"
Révision critique le 11/10/24 : passage de la note de 8 à 9