Jeanne Moreau joue les tueuses en série pour François Truffaut dans une série noire à la française, c'est-à-dire probablement moins sombre que le roman originel de William Irish.
Ce film singulier et brillamment construit dépasse le strict intérêt qu'on porte à l'intrigue par la qualité de ses personnages. Malgré la brièveté forcée de leur rôle, Michel Bouquet, Charles Denner et les autres,
victimes expiatoires de la vengeance
de Julie existent pleinement par une commune médiocrité masculine; ils sont, chacun à sa façon,
des prédateurs de femmes, de sorte que leur élimination
par une femme résonne de curieux accents psychanalytiques.
Dans chacun des tableaux les présentant successivement, on découvre des personnages, certes typés, mais humains, vulnérables et ludiques, amusants, que Truffaut l'humaniste rend sympathiques en dépit de leur mesquinerie et de leur faute. S'abstenant de jouer à fond la carte du suspense, et c'est là que sa mise en scène découvre son intelligence, le cinéaste dévoile en cours de film le mobile de Julie. Ce qui permet, dans un premier temps, de développer l'intrigue sous son aspect énigmatique et noir puis, dans un second temps, sous un angle plus émotionnel à partir duquel Jeanne Moreau substitue à sa froideur ses scrupules et sa douleur.
Malgré la nature du sujet, le ton général est à la fantaisie.