La montagne, ça vous gagne... ou pas !
Nouveau film de Thomas Salvador à qui l’on doit aussi Vincent n’a pas d’écaille, un premier long métrage qui avait marqué l’année 2014 et qui contenait déjà en germe des éléments constitutifs de l’univers de ce réalisateur que l’on retrouve ici : le mystérieux, la solitude...
En quelques mots : le film raconte l’histoire de Pierre, ingénieur parisien qui part en voyage d’affaire à Chamonix où il va présenter le dernier robot élaboré par son entreprise. Mais par la fenêtre il aperçoit la montagne qui le happe comme un aimant. Il décide de ne pas prendre le train retour avec ses collègues mais de rester bivouaquer au sommet de la montagne, incapable d’en repartir. Au sommet il va croiser une cheffe cuisinière Léa (Louise Bourgoin) et nouer une relation.
Peut on parler d’un film sur un voyage initiatique ? De film sur notre époque (avec le phénomène du « quiet quitting ») ? Pas vraiment, puisque le film se veut une expérience intime sans vocation à l’élargir à une réflexion sur la société.
Que le personnage principal soit joué par le réalisateur lui même n’est sans doute pas anodin. Le réalisateur a un rapport très fort à la montagne et sans nul doute le film est largement inspiré d’éléments personnels. J’ai eu le sentiment que le film n’arrivait pas à sortir de ce récit personnel et nous laissant sur le bord de la route. On n’a aucun élément auquel se raccrocher pour s’identifier, comprendre, ressentir quelque chose avec ce personnage. Si certains plans évoquent une réflexion sur l’infiniment grand de la montagne qui s’oppose à l’infiniment petit de nos vies à l’échelle de l’univers, jamais le réalisateur n’en fait une réflexion tenue sur le long court. L’ensemble du film reste froid, insaisissable, à l’image de cette montagne.
En effet , n’étant pas friande de montagne et d’alpinisme j’étais prête à me laisser convaincre, mais le film échoue à emporter le spectateur avec lui. La montagne filmée comme une aiguille à laquelle on vient se piquer, comme un bloc contre lequel on se heurte, une immensité dans laquelle on se perd. L’attraction de la montagne n’agit finalement que sur le personnage principal, on reste totalement en dehors à moins peut-être d’être mordu d’alpinisme ?
Autant on peut concéder au film une grande maîtrise technique, des cascades impressionnantes, des plans précis, techniques, des plans de paysages magnifiques. Autant le film nous perd dans cette volonté de technicité, de précision et le fait presque passer pour un film d’initiés pour les initiés.
La scène où il se lance à l’assaut du glacier accompagné d’un guide de montagne (non acteur pour le coup!) est emblématique de cela : ils échanges des éléments techniques en avançant ensemble dans la neige.
C’est un film peu bavard et ce dès les premières prises. Peu de dialogue (heureusement car ils sont assez inutiles et peu convaincants), beaucoup de silence. Vous me direz normal pour un film sur la montagne mais en l’occurrence le film s’ouvre par du silence et ce n’est qu’à l’intérieur de la montagne que le son gagne -via la musique. Le silence ici résonne plutôt avec la solitude intérieure du personnage. Pierre parle rarement et il est souvent le seul à parler, même avec sa famille. L’unique personne avec qui un dialogue se noue réellement, sera Léa cette cheffe cuisinière rencontrée avec qui une réelle relation se noue .
Cette pudeur du personnage fait à la fois la force et la faiblesse du film. Si certains vont apprécier le fait que l’image se suffit à elle même (nul besoin de souligner la le dialogue ce qui est en train de se produire à l’intérieur du personnage), pour ma part j’aurais aimé que le personnage se donne un peu plus à nous. On ne sait rien du personnage et on n’en saura rien.
Le climax du film est le plus intéressant . Car, en effet, soudain, le film bascule dans quelque chose de d’onirique et de merveilleux. Pierre, attiré par un effondrement d’une partie de la roche décide d’explorer cette partie de la montagne. On ne sait d’ailleurs jamais vraiment si le personnage est en train de se réinventer ou de s’auto-détruire. La montagne agit comme une pulsion de vie et de mort sur lui. Le film bascule dans une expérience esthétique fascinante où la bande son signée Chloé Thévenin, compositrice DJ électro reconnue, prend toute son ampleur. A l’image on assiste à une fusion de matière et de lumière. Une vraie expérience visuelle de cinéma, osée et réjouissante.
Mais très vite la comédie romantique reprend le dessus, nous ramenant à la réalité en même temps que le personnage.
Un film qui porte en lui de belles promesses mais qui se perd en explorant différents chemins sans oser en explorer un à fond. Une grande déception.