Le début du film présente, avec une économie narrative efficace, le prototype du quadragénaire parisien (nommé Pierre... il n'est pas difficile de deviner, une fois que l'on a regardé le film, que le choix de ce prénom ne doit rien au hasard !), gagnant bien sa vie, très pointilleux dans son travail d'ingénieur dans la robotique, tiré à quatre épingles, avec une barbe poivre-sel très bien entretenue. Et on a même l'impression de sentir le parfum de luxe en supplément. Bref, la représentation parfaite d'une personne qui n'a pas à se plaindre sur le plan financier. Mais, à l'occasion d'un déplacement professionnel, notre protagoniste est attiré inexplicablement par une montagne, sans qu'il parvienne à comprendre lui-même pourquoi, s'improvise alpiniste et ne veut plus en quitter les pentes...
On est dans le profil du type qui, sous l'apparence de la réussite matérielle, est sûrement insatisfait de son existence, spirituellement et métaphysiquement. Passé l'intro rapide sur qui notre improvisé alpiniste est (ou plutôt était ou croyait être !), d'où il vient (pas géographiquement parlant, cela s'entend !), le tout prend son temps dans une première heure réaliste, bien aidé par les paysages montagneux. Avant que tout cela prenne un virage franc dans le fantastique, lors duquel le protagoniste se fond d'une manière physique, organique au corps minéral des lieux.
Si cette partie est prenante, car surprenante (et avec d'efficaces et impeccables effets spéciaux !), dans un premier temps, le fait qu'elle traîne inutilement sur deux sections, avec une interruption extérieure à la montagne au milieu, au lieu d'être fondue en une seule (ce qui aurait pu fonctionner plus efficacement, puisqu'il n'y aurait rien eu à ajouter que le spectateur n'avait pas déjà compris et aussi sur la consistance de cet "univers" fantastique !), provoque un léger ennui à force.
Sans m'étendre plus et en ayant essayé jusqu'ici de rester le plus vague possible pour ne pas trop spoiler, heureusement qu'il y a, par la suite, un brusque enchainement sur la restauratrice incarnée par Louise Bourgoin (que le spectateur et le protagoniste n'avaient fait que croiser jusqu'à ce moment de l'intrigue !). Cette dernière ajoute une touche de chaleur bienvenue dans un ensemble qui aurait pu paraître trop sec par son dépouillement ambigu et par le fait que c'était pour ainsi dire un film à un seul personnage.
Thomas Salvador, acteur principal, réalisateur et coscénariste, crée avec La Montagne, une œuvre, certes imparfaite, mais avec de l'audace, poussant à s'interroger sur ce que l'on a vu, à l'interpréter, qui reste à l'esprit bien après le générique de fin.