Mes jeux de mots pour les titres sont de plus en plus douteux. Mais passons.
En ce qui concerne le film, c'est un très bon film. Mais il y a un mais.
Cette histoire de monstre m'a directement fait penser à La Métamorphose de Kafka. Il est moins important d'évoquer la métamorphose de Bundle elle-même mais ce qu'elle engendre et induit : mise à l'écart de la société, le rapport de l'Homme à la science, la "pureté" humaine pervertie par le progrès, le cadre et les limites éthiques des avancées scientifiques... Autant de problématiques qui restent très actuelles.
Dans le contexte du film (fin des années 1980), on peut faire le lien avec le virus du SIDA qui faisait rage à l'époque et provoquait une exclusion sociale des personnes atteintes. Au delà de la maladie, c'était une question de mœurs aussi.
Ce que je reprocherai au film, c'est sa réalisation. Finalement on en retient principalement les scènes gores qui deviennent encombrantes dans la seconde partie du film, certaines sont carrément inutiles et ne racontent rien :
Celle du bras de fer : à quelle moment une fusion avec une mouche vous transforme en Hulk? Pour les scènes avec le liquide enzymatique oui c'est pertinent, en revanche cette séquence là n'est faite que pour choquer.
Alors oui, la notion de dégoût tient une place non négligeable dans le film : celui des autres, de soi. Mais comme je disais, cela prend beaucoup de place et le propos profond du film, à savoir sa portée philosophique, est trop peu exploité. En plus de ce que j'ai déjà évoqué plus haut :
- La perversion, la perte d'humanité matérialisée par la transformation physique du scientifique pose question sur le fait que l'humain s'éloigne de sa (et "la") nature, se perd lui-même dans sa course toujours plus effrénée au progrès, à la découverte, à l'accomplissement. A quel prix?
- la notion "politique" des insectes versus celle des humains (il est pourtant prouvée que nombreux d'entre eux ont une réelle organisation sociale, notamment les fourmis) est évoquée de la manière la plus simpliste qui soit
- le rapport qu'on a à l'animalité, à notre propre dégénérescence aussi
-...
Cela ne rend pas le film mauvais loin de là mais j'ai trouvé ça un peu dommage, un acte manqué.
On peut féliciter la qualité des effets spéciaux, cela s'avère toujours efficace au visionnage. J'ai une sainte horreur des effets numériques employés à outrance aujourd'hui. En plus, Cronenberg montre tout! Pas un seul hors-champ, une seule action suggérée. Mais voilà, le spectacle du gore est trop présent, il prend trop de place et surtout il n'est pas nécessaire, la transformation elle-même est déjà assez perturbante. Et c'est ça le cœur du sujet.
Le trio principal fonctionne, en tout cas j'ai été réceptive sans que ce soit le noyau dur du scénario. Je pense qu'il était dispensable de faire de Stathis un pseudo méchant (on retrouve un peu l'étiquette Hollywood dans les rapports qu'entretiennent les personnages). Les acteurs sont excellents (même si Geena Davis n'est pas à son top niveau quand elle joue la peur, soyons honnête).
Le huis clos fonctionne aussi.
C'est un film à voir.