J’avais anticipé et pas mangé avant. J’ai bien fait. Car même un ersatz de junk food traité aux antibios n’aurait pas survécu à la projection de La Mouche de Cronenberg. En même temps, ça aurait été raccro avec la fin qui attend le héros !
Je spoile ? Attendez, ce film date tout de même de 86 ! Ma critique sentira sans doute le réchauffé. Je m’y risque quand même !
Cronenberg traite dans ce film de son sujet de prédilection : du corps humain, et de son évolution. De sa décomposition surtout, à voir le traitement qu’il réserve à Jeff Goldblum.
Celui-ci joue un scientifique qui a inventé le téléporteur. Oui, le rêve ultime de la science-fiction, avec la machine à voyager dans le temps. Et une potentielle avancée pour réduire les embouteillages lors des départs en vacances.
Oui mais… Tout ça ne marche pas aussi bien que dans Star Trek ! Parce que la journaliste séduite par sa créativité le laisse un soir, s’en allant se débarrasser d’un vieil amant, il se bourre la gueule et décide d’essayer son invention sur lui. Ce qui vous en conviendrez n’est pas la démarche la plus scientifique qu’il soit !
Pas de bol, une mouche s’est glissée dans son bastringue… Et hop, la machine les téléportent en bloc… et les fusionnent ! Au passage, si son téléporteur fusionne tout ce qu’il transporte, le pauvre Jeff aurait du aussi fusionner avec ses acariens, son ver solitaire, voire ses morpions… Je vous laisse imaginer le résultat.
C’est con, voilà notre héros, à l’aube de la gloire qui devient peu à peu mouche, son corps humain tombant en déliquescence, son humanité bouffée par son « insectisation ».
Fallait pas jouer aux apprentis sorciers semble dire La Mouche, à mesure que les changements s’opèrent sur le héros, jusqu’à son inévitable fin…
Il y a du Belle et la bête dans cette histoire, avec une bête qui aurait tourné au franchement dégueu, option grindcore. Une romance impossible entre un scientifique timide qui joue au cobaye, et une Geena Davis à l’époque totalement… Waouh !
Cronenberg a fait un remake habile du film La mouche noire de 1958. En beaucoup plus crade et bien moins kitsch. Moins kitch en 1986… 20 ans plus tard, les décors sonnent carton, et les effets spéciaux un peu faux, comme dans une bonne vieille série Z.
Mais cela ne gâche pas le film, qui vaut le détour, par les questions qu’il pose sur la recherche, et les fantasmes qu’il démythifie. À la même période Robert Zemeckis envoyait une Delorean dans le futur, et malgré les risques, ça avait l’air cool.
Là, avec Cronenberg, la téléportation, c’est pas le méga pied… Comme la manipulation des esprits dans Videodrome, ou plus tard la réalité virtuelle dans Existenz.
Cronenberg est méfiant envers la science, on le comprend. Et les essais de son scientifique dans La Mouche renvoient aux dérives de la science moderne. Il ne fait pas un simple film d’horreur. L’horreur ici est légère, c’est surtout de répulsion et de dégout qu’il s’agit.
Donc matez ce film, pour les questions qu’il pose, et le regard qu’il porte sur la science. Par contre, de préférence, faites ça à jeun… ou après une bonne gastro !