"La Mouche" de David Cronenberg semble s'apparenter, à bien des égards, à un cauchemar éveillé. Ce film conte l'histoire de Seth Brundle, un savant qui met au point la téléportation et l'expérimente de manière totalement secrète. L'élément déclencheur de l'intrigue réside dans l'arrivée de la journaliste Veronica Quaife, qui le bouleverse et précipite le cours de sa carrière. Ses expérimentations prennent une tournure dramatique, lorsqu'il décide de se téléporter pour tester lui-même ses "télépodes". Un problème survient : une mouche qui fait partie du voyage et fusionne de manière irréversible avec organisme du savant. L'idée tout à fait judicieuse du film est d'exposer l'image de Seth à travers les yeux de la journaliste, complètement déboussolée par la tournure des événements ; on suit à son rythme la transformation du scientifique, pour un résultat pour le moins pétrifiant. Ce qui est essentiel, c'est que la transformation de Seth prend du temps : cela nous permet de suivre les différentes étapes de sa descente aux enfers, et pousse ainsi le côté horrifique du film dans ses retranchements. On passe d'un homme sympathique, dévoué au monde de la science, à une bête complètement difforme qui représente un danger pour son entourage ( ce qui n'est pas sans rappeler "L'Exorciste" de William Friedkin). Il semble intéressant de rappeler que ce film, qui date de 1987, ne prend pas une ride, grâce notamment au travail remarquable sur les maquillages et l'apparence de Seth, une créature mi-homme mi-mouche. Jeff Goldblum (le savant) joue juste en transmettant l'angoisse puis la perte totale de moyens de Seth Brundle. De son côté, Jeena Davis (la journaliste) ne crève pas l'écran et livre une prestation juste moyenne, tout comme John Getz dans le rôle de l'ex de Veronica. Non, la perle rare que l'on tient là n'est pas relative aux acteurs, bien que Goldblum se démarque fortement ici. Le mérite revient surtout à David Cronenberg, qui installe une ambiance angoissante à travers une réalisation cinq étoiles ; l'intrigue ne connaît aucune faille, rien n'est à jeter. La musique constitue un élément prédominant du film, elle parvient à accentuer le caractère dramatique, tragique du récit. A travers la transformation lente de Seth, Cronenberg renvoie l'image d'un homme qui perd son humanité à son insu. L'image que l'on garde de "La Mouche" est frappante, déroutante. Les films d'horreur, du point de vue de leur intérêt, connaissent un creux problématique ces dernières années. A une époque aussi pauvre en initiatives, il semble indispensable de regarder en arrière et de prendre exemple sur les années 70-80, qui à l'image de "La Mouche", constituent l'essence même de l'horreur : un spectacle inventif et jouissif à souhait.